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jeudi 31 mars 2022

Brèves de smartphone - chapitre 2 : 14 milliards de pixels évaporés

Je l'ai déjà mentionné dans ce blog à divers reprises, c'est avec l'application gratuite Pokerist que j'ai fait mes premiers pas dans l'univers du poker en ligne, en 2012. J'en conserve un merveilleux souvenir, car cela m'a permis non seulement de faire mes armes sans risque aucun, mais également d'acquérir une confiance en moi qui m'a indubitablement servi par la suite, facilitant ma progression.

Six mois durant, je me suis quotidiennement exercé face à des adversaires aussi peu aguerris que moi, avec des styles de jeu extrêmement variés, parfois fantasques ou même erratiques, sachant que les jetons et autres crédits de jeu étaient en grande partie gratuits. Dans le jargon du poker moderne, émaillé d'anglicismes, on appelle cela jouer avec de la play money. Toutefois, à bien y regarder, ce n'était pas pour autant une complète monnaie de singe, puisque de nombreux joueurs rechargeaient leur compte en déboursant de vrais sous. Nombreux sont les joueurs aisés, leurrés par leur ego et limités tout à la fois par leur manque de compétence qui apprécient tellement de ressentir la caresse ébouriffante des plus hautes tables et des plus hautes limites qu'il leur apparait comme justifié de mettre la main au portefeuille plutôt que de jouer sur les tables aux enjeux misérabilistes, quand bien même il ne s'agisse au final que de pixels dans les deux cas. Il existait même un authentique marché parallèle des jetons, certains petits malins vendant directement des jetons contre rétribution à un cours sensiblement inférieur au cours officiel proposé par le développeur de l'application Kama Games sur sa boutique en ligne officielle. Sur divers sites marchands ayant pignon sur rue, il était donc possible d'acheter des jetons. Ensuite, l'acheteur et le vendeur se transféraient les jetons sous le manteau, en comité restreint sur des tables de cash game.

Me concernant, je n'ai bien entendu jamais déboursé le moindre centime avec cette application, ni sur le marché officiel ni sur le marché gris. Ce n'est pas que je sois pingre, mais je pars du principe que je n'ai jamais besoin de jouer avec mon propre argent. Ce qui vaut pour les jeux vidéos, les applications Android, vaut d'ailleurs également pour le poker en ligne. Et puis je suis attaché à la notion de mérite. Pour en revenir à Pokerist, je suis donc parti du montant initial alloué à l'ouverture de chaque nouveau compte, à savoir 5.000 jetons, et j'ai mis en marche mon rouleau compresseur, en me fiant aux mathématiques ainsi qu'aux quelques connaissances techniques glanées empiriquement sur RTL9 (diffuseur des WSOP, commentés par le binôme composé du joueur aguerri Bruno Fitoussi et du journaliste passionné Daniel Riolo). Malgré mon statut de complet débutant à l'époque il ne m'aura fallu qu'une quinzaine de jours à peine pour accumuler mon premier million, tellement le niveau était faiblard en face. Et cela a continué de façon toute aussi exponentielle, jusqu'à ce que je parvienne aux plus hautes limites de mises autorisées par la plateforme.

En fin d'année 2012, en jouant quotidiennement de façon, méthodique, appliquée et enthousiaste, j'avais accumulé la bagatelle de 14 milliards de jetons sur Pokerist. Oui, quatorze milliards (à moins que ce ne soit un tout petit peu plus... ma mémoire flanche, désormais) ! De quoi insuffler confiance, au point d'avoir envie de me frotter à des joueurs "pour de vrai", et de m'inscrire sur PMU Poker ainsi que sur Winamax. Cette confiance en moi qui m'a été insufflée grâce à ces succès virtuels m'aura indubitablement servi à mes débuts. Sans oublier le fait que cela m'a également en grande partie insensibilisé aux bad beats, ce qui est toujours utile pour performer dans la durée.

J'ai conservé cette application Pokerist sur mon smartphone, Xperia Mini tout du long de sa durée de vie, quand bien même à partir de 2013 j'y aie joué de moins en moins, pour ne pas dire presque plus du tout. Une chose m'aura toutefois étonné pendant plusieurs années : comment une application gratuite développée par une modeste société irlandaise (Kama Games) a t'elle bien pu proposer une offre aussi ludique et agréable tandis que les plateformes françaises de poker payant étaient à la traîne, voire carrément aux abonnés absents pendant de nombreuses années ? Comment se fait-il que les plateformes de poker générant des volumes financiers aussi importants aient mis autant de temps à prendre en marché le train du nomadisme ? Aujourd'hui encore, je m'interroge sur les choix stratégiques qui ont été faits par certains.

C'est donc non sans un léger pincement au coeur que j'ai abandonné mes milliards de jetons virtuels accumulés sur Pokerist à l'occasion d'un premier changement de smartphone en 2016, tel que brièvement relaté dans mon article précédent. Je ne me souviens pas clairement des cours pratiqués à l'époque, mais sur le marché gris, ces quartorze milliards de jetons étaient cotés bien au delà du millier d'euro. Ils se sont évaporés avec le recyclage de mon premier smartphone. Sans que jamais l'envie ne me vienne de les revendre sur le marché gris. Fierté et probité.

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