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mercredi 30 mai 2018

Pots de chagrin

Statue de Cicéron
Je l'ai déjà écrit ici il y a peu : mon volume de jeu est en baisse sensible depuis quelques mois, conséquence logique d'une diminution de ma motivation constatée tout du long de l'année 2017 et du premier trimestre de cette année 2018 : ma traversée du désert en termes de résultats a laissé des traces. Forcément, ça impacte également mon inspiration pour ce blog, d'autant que je vis moins de choses palpitantes que par le passé.

Mais ce n'est pas tout, je constate que mon style de jeu qui était stabilisé depuis 2 ou 3 ans est de nouveau en train d'évoluer, ces dernières semaines : mon facteur d'agressivité a sensiblement diminué et j'ai ainsi remisé au placard ma tenue de barbare berseker n'hésitant pas à prendre de gros risques, ce qui fait que je redécouvre actuellement les vertus insoupçonnées du sénateur romain en toge. En d'autres termes, je prends de nouveau un réel plaisir à disputer des petits pots tranquilles, sans prise de risques excessive... comme à mes débuts il y a de cela 5 ans.

C'est comme une bulle spéculative qui aurait éclaté. Mon volume de jeu s'est donc réduit comme peau de chagrin, mais ce n'est pas pour autant que c'est la faillite. Disputer des "pots de chagrin", ça a aussi du bon, à commencer par réduire la part de variance dans mes résultats. Le poker est tout sauf linéaire. Rome ne s'est pas faite en un jour. En attendant de retrouver l'adrénaline des grands bluffs et des grandes batailles sanglantes, je me drape dans ma toge... Mon heure (re)viendra : les piqûres de moustique et les petits coups de poignard sournois des "pots de chagrin" bien assénés valent tout autant que les tornades et les décapitations à la hache. Lorsqu'on se prend les pieds dans le tapis, ça éclabousse de la même manière.




mardi 22 mai 2018

Les pastilles douces-amères

Profiler correctement ses adversaires au poker afin d'adopter à leur encontre la stratégie la plus exploitante possible constitue une étape importante sur le chemin du jeu optimisé et du A-game. A cet effet, les plateformes de poker en ligne permettent à leurs utilisateurs de catégoriser un style de jeu adverse à l'aide de Post-it visuels prenant la forme de notes de jeu mais aussi et surtout de codes couleurs que l'on appelle aussi les "pastilles", quand bien même la colorisation effective du pseudo du joueur adverse que l'on vient de profiler revête en pratique des formes géométriques variées. A titre personnel, le profilage et la prise de notes de mes adversaires est un exercice auquel je m'adonne avec tout à la fois le sérieux d'un écolier zélé et le sourire narquois du cancre espiègle. Productivité et plaisir, en somme.

Prendre des notes sur le style de jeu de ses adversaires, c'est bien. Encore faut-il que lesdites notes soient pertinentes et propices à une efficience de son jeu accrue face à l'adversaire que l'on vient de profiler. Pour ce faire, il ne faut surtout pas oublier de continuer à calibrer sa riposte face au déséquilibre de jeu constaté chez l'adversaire, sans tomber dans le piège de l'affect ni dans celui de la polarisation, sinon ce petit jeu du profilage risque de s'avérer bien peu rentable à l'avenir, voire très couteux dès lors que l'ego s'immisce dans le processus menant à la prise de décision finale. Aussi, il convient de garder à l'esprit que ce petit jeu consistant à sortir délibérément des sentiers battus pour mieux pousser l'adversaire dans le ravin constitue un exercice risqué à ne pas prendre à la légère, sous peine de précipiter sa propre chute.

Aujourd'hui, lors d'un tournoi communautaire, je me suis fait insulter à diverses reprises par un joueur au tempérament sanguin dont le style de jeu par ailleurs médiocre semble ne connaitre aucune subtilité. Les joueurs les moins doués sont aussi souvent les moins polis à une table, c'est un fait. Dois-je estampiller son pseudo de la couleur bleue des joueurs sanguins que je me complais à titiller pour les pousser à la faute, ou bien alors de celle rose fuschia des mauvais joueurs capables des calls les plus improbables avec des mains complètement dominées ? Petit dilemme vite résolu, la prise de notes en parallèle étant là pour édulcorer l'aspect monochrome de sa pastille.

Toujours est-il qu'ayant titillé sur le tchat ce joueur suite à une décision catastrophique qu'il venait de prendre, j'ai donc reçu en retour de sa part une giclée de fiel malodorante.... et en guise de conclusion, pour mieux justifier le bien-fondé de ses insultes, il m'écrit la phrase magique suivante : "de toute façon ça fait longtemps que je t'ai pastillé comme fish". CQFD. Force est de reconnaitre que mon style de jeu atypique "exploitant" faisant la part belle aux dynamiques de tables, aux profils adverses et aux momentum de tournoi plutôt qu'aux seules cartes en mains déplait fortement à pas mal de joueurs ; car c'est en effet le type de remarque que j'entends assez fréquemment... le plus souvent de la part de joueurs "cumulards" dans leur manque de subtilité ludique ET verbale. Mais au poker, on est toujours le fish d'un autre. Intérieurement, je rigole de savoir que des joueurs se croyant malins m'ont incorrectement étiqueté, car je sais que sur le long terme, leurs tactiques contre moi seront truffées d'erreurs... il ne me reste alors plus qu'à garder l'oeil ouvert afin de ne pas tomber dans le piège de la paille et de la poutre. Puis, viendra le temps de la moisson, inévitablement. Car le poker est aussi un jeu de patience.