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lundi 30 novembre 2020

Le plaisir simple d'un jeu bien en place

Au poker, il faut savoir lever les yeux du guidon afin non seulement de mieux profiter du paysage mais aussi de trouver le meilleur chemin pour arriver à destination sans s'égarer en cours de route. En d'autres termes, il est important de pouvoir dissocier les résultats financiers du niveau de jeu réel. Les gains et pertes ne sont en effet qu'un timide reflet de la qualité de jeu produite aux tables. Alors voilà, même si je patine en ce moment d'un point de vue purement comptable, je me surprends actuellement à éprouver un plaisir simple à déployer un jeu efficace à mes tables. C'est beaucoup et c'est bien peu à la fois. Mais en cette période morose peu propice à l'action, c'est déjà ça.

Je me sens bien. A tel point que je peux sans peine rajouter quelques tables supplémentaires à mes sessions de jeu sans jamais éprouver la moindre lassitude mentale devant cette pléthore d'informations en simultané à l'écran. Cela n'a pas été toujours le cas par le passé, aussi je mesure combien ce simple détail - éprouver du plaisir en jouant - influe positivement sur tout un tas d'autres paramètres. Je n'ai pourtant rien fait de spécial pour ça : le plaisir est revenu de lui-même, effaçant un début de lassitude qui s'était durablement installé dans un recoin de mon esprit depuis plus d'un an déjà. Je me sens parfois tel un pianiste avec mon clavier et ma souris, avec un temps de latence extrêmement réduit entre deux prises de décisions. Il doit probablement y avoir un lien de cause à effet entre la sensation de plaisir retrouvé et le fait que j'aie le sentiment d'avoir actuellement un jeu bien léché, avec en prime l'impression d'avoir retrouvé une meilleure bien meilleure qualité de jeu. 

Les clignotants sont donc au vert, et ça augure de lendemains meilleurs à défaut d'un présent radieux. Toutefois, au poker, il ne suffit pas d'avoir un jeu bien en place et de se sentir à l'aise aux tables pour amasser les gains effectifs ! Il faut également pouvoir compter sur un minimum de chance pour convertir de la qualité de jeu et du bien-être en argent. Alors je vais patienter sans soucis, avec le sourire aux lèvres en prime... les gains peuvent attendre, ce n'est pas du tout un problème pour moi. 

Du pain et des jeux. Un ordinateur et une connexion internet. Il suffit parfois de peu pour rendre un homme heureux.




mercredi 18 novembre 2020

Un an sans live : une rêverie révélatrice de doutes ?

Novembre 2020 se traîne avec langueur et torpeur. Traditionnellement, novembre, c'est le mois où le PMU organise sa grand messe pokeristico-turfique à l'hippodrome de Vincennes. Un petit tournoi de gala sans prétention disputé dans une bonne ambiance qui ne m'a jamais trop réussi mais qui fait partie de mes habituelles parties de poker disputées en live. Pour quelqu'un à l'affut des bons plans comme moi, il y a souvent la possibilité de se qualifier en ligne pour de tels tournois, qui se jouent au milieu des amateurs et passionnés, avec des lots sympathiques pour ceux qui ont la chance de se faufiler jusqu'aux ultimes survivants. Toutefois, l'actualité sanitaire de cette année 2020 a fait que très peu d'événements live ont pu se dérouler normalement sur la planète poker au cours de ces derniers mois. Un an complet s'est écoulé depuis le dernier Hip'Poker Tour de Vincennes. Novembre 2019 a donc été mon dernier tournoi disputé en live. Une activité poker a certes timidement repris à la fin de l'été avec vitres en plexiglas et autres mesures hygiénistes, mais uniquement de façon sporadique pour les mordus des casinos et autres cercles de jeu. Pour les joueurs plus occasionnels tels que moi, c'est une toute autre histoire. Les tournois de gala et autres festivals amateurs organisés en partenariat avec les plateformes en ligne ont quant à eux été renvoyés aux calendes grecques. Et le jeu en ligne, lorsqu'il se retrouve dépourvu de pareilles promotions a tôt fait de m'installer dans une monotonie peu enthousiasmante le soir devant mon écran d'ordinateur. Car je joue au poker pour rêver. Pas pour l'argent.

Dans cette torpeur ambiante, pour la première fois depuis belle lurette, cette nuit j'ai fait un rêve de poker. Assez intense et prégnant sur le moment. Mais dont bon nombre de détails se sont évaporés dans les limbes de mon cerveau, ledit rêve s'étant déroulé bien en amont de mon réveil. Dans mon songe, je parvenais à la pré-bulle d'un tournoi qui se disputait dans un cercle de jeu parisien, tous sens aux aguets, en accumulant toutefois quelques petites bévues : oubli répété de poser ma blind, erreur de calibrage dans mes relances, fébrilité dans le comptage de mes jetons et surtout : hésitation coupable à trouver ma nouvelle table une fois cassée celle où je jouais. Je me souviens avoir pris énormément de temps à trouver ma place et à m'installer à la table avec des jetons en pagaille mal raqués et tombant à terre sur le trajet, m'obligeant à faire deux allers-retours d'une table à l'autre, tel un Petit Poucet inquiet à l'idée de ne plus trouver son chemin... au point de provoquer l'irritation du croupier me soupçonnant aussitôt de vouloir ralentir le jeu afin de passer la bulle sans encombre. C'est ainsi que je me faisais lourdement pénaliser, et décidai d'appeler le floor (juge-arbitre) afin de statuer sur la légalité de ma sanction. Après avoir écouté le récit du croupier, je demandais la parole pour ajouter quelques éléments factuels et expliquer que mes gaffes supposées être du sabotage afin de gagner du temps n'étaient dues qu'à un malencontreux hasard, mais sans que cela soit nécessaire car le responsable statuait aussitôt en ma faveur et sermonnait le croupier pour m'avoir sanctionné un peu trop hâtivement.

Bien que n'étant pas particulièrement compétent en interprétations oniriques, le décryptage de base de ce rêve me semble plutôt limpide : après avoir passé une année entière d'abstinence en live, j'en viens à douter de mon niveau de compétence, sachant que lorsqu'on n'est pas un professionnel on a tôt fait de perdre certains réflexes lorsqu'on ne pratique plus sa discipline de prédilection pendant un laps de temps prolongé. Au-delà de cet aspect lié à la forme, je m'interroge sur le fond quant à mon niveau de jeu réel du moment, mes performances en ligne actuelles s'avérant extrêmement médiocres si je ne me fie qu'aux résultats bruts.

Ne pas avoir connu la joie de tâter du jeton en live depuis un an maintenant ne me manque pas vraiment. Mais force est de reconnaitre que j'aimerais pouvoir avoir l'occasion de briller de nouveau prochainement, en faisant étal de mes qualités cartes en main. Ca devra attendre au moins jusqu'en 2021. Voire 2022. Ou même pire encore, qui sait ? Quoi qu'il en soit, le succès au poker est aussi affaire de patience, parfois. Alors soyons patients. Tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir.

jeudi 5 novembre 2020

Les chauffards du dimanche en mode confinement

On dit d'un chauffard du dimanche qu'il s'agit d'un conducteur qui dispose certes du permis de conduire mais qui ne se sert de son véhicule qu'en de rares occasions : le dimanche, les jours fériés et sur la route des vacances. De par son inexpérience, il maîtrise mal son véhicule et met la vie des autres en danger. Toutes proportions gardées, il en va de même avec le poker : il existe une catégorie de joueurs du dimanche, adeptes de prises de position exotiques, au point d'accroitre drastiquement les risques de collision et de sortie de piste brutale. Le plus souvent, avec des dommages collatéraux.

Le dimanche constitue ainsi traditionnellement une journée à part dans le calendrier des joueurs de poker, puisqu'il s'agit du jour de la semaine où débarquent aux tables ces cohortes de joueurs occasionnels aussi doués cartes en main que je le suis pour parler turc. La Turquie est un pays que j'adore par ailleurs : j'ai eu l'occasion de le choisir comme lieu de villégiature à diverses reprises par le passé. Sauf qu'après avoir prononcé le traditionnel"Meraba" pour dire "bonjour", il ne reste plus guère que "Tammam" dans mon répertoire sémantique afin d'exprimer quelque chose comme "OK". Au-delà de ces deux termes, je navigue à marée basse en plein brouillard : c'est déjà la fin du phosphore sur les rives du Bosphore. Pour en revenir à nos moutons, le dimanche constitue de facto le jour de la semaine où le joueur de poker expérimenté a le plus de chance de briller : des dotations plus juteuses (du fait de l'afflux de joueurs) disputées contre des adversaires pourvus de plans de jeu peu académiques (dont le niveau moyen est bien plus faibles qu'en semaine). Pour des raisons personnelles et familiales, je n'ai jamais été très présent aux tables de poker en ligne les dimanche. Les rares fois où je joue le dimanche, je hausse le sourcil plus haut que d'habitude face à certains moves improbables de la part de ces joueurs occasionnels.
 
L'image qui me vient spontanément à l'esprit à l'évocation de cette caste à part des chauffards du dimanche est celle de la collision Bourvil/De Funès dans le mythique film Le Corniaud que j'ai d'ailleurs eu le loisir de revoir avec plaisir pendant la phase du premier confinement survenu au printemps. Des chauffards confinés que je n'ai d'ailleurs que peu ou pas croisés, de par mon activité extrêmement réduite aux tables à ce moment-là.
 
Toutefois, avec l'émergence de la seconde vague de Covid-19 et le semi-confinement qui va avec, cette cohorte de chauffards du dimanche pointe de nouveau le bout de son nez aux tables à n'importe quel moment de la semaine. Le confinement imposé par le Gouvernement pour d'évidentes raisons sanitaires est certes moins strict qu'au printemps, mais suffisant pour conduire un nombre conséquent de chauffards du dimanche à venir croiser mon chemin aux tables. Depuis quelques jours, j'assiste donc à des coups bien plus folkloriques que d'habitude de la part de ces adversaires peu doués. Plutôt que sur les habituelles routes sinueuses et ravinées, on se croirait alors débarqué sur un circuit d'auto-tamponneuses, tellement ça cogne fort et ça tangue au moins choc. Ce qui est particulier au poker par rapport à d'autres jeux, c'est qu'avec une bonne dose de chance, des fois, même en faisant un peu n'importe quoi ça passe (même si souvent ça casse). Dans tous les cas, ça reste fun à voir et à vivre.
 
Jouer face aux chauffards du dimanche constitue un plaisir un peu coupable lorsque ça se passe bien pour moi. En spectateur, c'est particulièrement cocasse car il n'y a aucun affect pour venir altérer l'amusement du moment. Dans un cas comme dans l'autre, les étiquetages à base de pastilles de couleur pour ces joueurs sont bien plus fréquents que d'ordinaire. 
 
Sacrée variance ! Elle entretient l'illusion des chauffards du dimanche, en leur faisant parfois croire qu'ils pilotent leur bolide avec brio et que la chance seule suffit à les porter jusqu'à la ligne d'arrivée. Pour le joueur talentueux, la variance constitue le revers de la médaille : une pointe d'agacement peut également survenir lorsque la malchance vient perturber la moisson escomptée et que la récolte de blé s'envole, laissant place au fracas de la tôle ondulée. La moissonneuse-batteuse se mue alors en carcasse calcinée abandonnée en plein champs et il n'y a alors plus rien à glaner.
 
Les chauffards du dimanche ne respectent rien. Ils klaxonnent à tout bout de champ en éructant la bave aux lèvres, refusent les priorités avec un air bravache, grillent les feux avec la fougue d'un James Dean, et roulent parfois à contre-courant sur l'autoroute à toute berzingue.  Mais tout au bout du chemin, pour celui né sous une bonne étoile qui aura esquivé les collisions avec dextérité, il y a la perspective de voir s'agiter le drapeau à damiers et de récolter les lauriers de la gloire. Dans ces moments-là, le plaisir de la victoire supplante toutes les afflictions causées par les incessants accidents. 
 
Je vais arrêter ici la comparaison avec la route. Ca ne reste qu'un jeu. Au poker, il n'y a pas mort d'homme malgré la fureur de vivre qui nous habite parfois aux tables de poker. Alors vive les chauffards du dimanche confinés ! Et tant pis pour les accidents."C'est le jeu, ma pauvre lucette".


dimanche 1 novembre 2020

La petite mort

Par ici la sortie...
On a coutume de dire que se faire sortir d'un tournoi au poker procure dans certains cas une sensation poignante de tristesse, une sorte de deuil, à tel point que l'on appelle parfois ce phénomène "La petite mort". Il s'agit d'un phénomène d'autant plus courant que l'enjeu du moment est élevé et que les ambitions sont hautes. Moi-même, lors de mes rares tournois live, j'ai déjà ressenti ce sentiment à diverses reprises. Ca vaut également pour des tournois en ligne importants, mais le phénomène y est de moindre intensité, il faut le reconnaitre. Quoi qu'il en soit, dans de tels moments, on se sent inconsolable indépendamment du contexte, et il faut alors laisser passer une sorte de délai de viduité avant de retrouver pleine possession de ses moyens. Qu'est ce qui peut expliquer pareil phénomène ? Et comment le combattre ? C'est ce que je vais essayer d'exprimer ici de façon empirique, en espérant au bout du compte que cela aidera ceux qui traversent ou traverseront un jour de pareils moments de détresse face à cette petite mort.

Comment survient cette sensation atroce de petite mort à la suite d'une élimination ? Un premier élément de réponse a déjà été livré dans le précédent paragraphe : les moments de spleen extrêmes suite à une sortie de route en tournoi surviennent lorsque se combinent plusieurs paramètres ; il faut tout d'abord ressentir de l'excitation du fait de l'enjeu, avoir placé beaucoup d'espoir dans ledit tournoi, s'être laissé envahir par le parfum enivrant de la victoire avant l'heure, au point de se croire en mesure de vaincre l'adversité pour in fine figurer tout en haut du classement final et repartir avec les gains significatifs qui vont avec. En ce sens, avec le recul je suis en mesure de dire que ce phénomène est le fruit d'un décalage temporel entre la croyance de pouvoir décrocher la timbale et les chances effectives d'y parvenir. Le poker étant un jeu où la chance joue un rôle prépondérant, se hasarder à espérer une victoire de toutes ses forces aura toutes les chances d'engendrer un contrecoup émotionnel brutal lorsque la dure réalité de ce jeu dissipe soudainement les illusions de victoires. Attention donc à de tels retours de flamme lorsqu'on se retrouve projeté dans le feu de l'action. Dans de tels moments de détresse, on peut alors dans les cas les plus impactants se retrouver soumis à un désir irrépressible de bazarder la suite de ses tournois.

Cette émotion poignante, ce sentiment d'infinie tristesse, cette petite mort est tout à fait humaine. Ce n'est pas pour autant qu'il ne faut passer essayer de la combattre, ou tout du moins d'en limiter l'impact. Car à long terme, devoir subir la petite mort sans entrevoir la moindre solution pour en atténuer les effets constitue indéniablement un point de vulnérabilité pour les joueurs de poker. Car on a alors toutes les chances de s'éloigner considérablement de son A-game pendant le délai de viduité. Le remède au problème est pourtant assez simple, mais il doit être appliqué de façon préventive et non curative. Pas d'affect ! En évitant autant que possible de se mettre la pression sur un tournoi donné on en évitera les effets secondaires délétères. Accepter que l'on ne contrôle pas son destin sur le court terme, quel que soit notre niveau.

Ne disputer que des tournois que l'on peut se permettre de perdre sans se sentir affecté... telle est la solution générique. Dans le détail, parvenir à ne pas mettre d'affect dans ses tournois revêtira deux formes distinctes selon que l'on joue en live ou en ligne. En live, il faut savoir profiter de l'événement dans sa globalité, à l'image d'une aventure, en incluant le plaisir l'aspect touristique lorsque l'événement a lieu loin de ses bases, en profitant de chaque instant vécu, de chaque goulée d'oxygène avalée, de chaque moment de convivialité ou de tension vécu à sa table de jeu. De la même manière qu'un homme ne doit pas angoisser à l'idée de la mort sous peine de se gâcher la vie, le joueur de tournoi live doit vivre son tournoi comme un présent merveilleux plutôt que comme un cadeau empoisonné, et cela quelle qu'en soit l'issue. En ligne, la solution adéquate est un peu plus simple : il convient de veiller à ne pas inclure dans sa session un tournoi aux enjeux financiers sensiblement supérieurs aux autres... en d'autres termes résister autant que faire se peut à la tentation de se faire un shoot d'adrénaline si l'on ne le vit pas comme un éphémère moment de plaisir.

Ne pas mettre d'affect dans ses tournois. Un remède simple et efficace contre le spleen de la petite mort. Une décision qu'il faut savoir prendre en amont, souvent difficile à mettre en oeuvre lorsque l'on aime passionnément le poker. Même s'il est vrai que le jeu constitue le sel de la vie pour nombre d'entre nous, devoir subir les affres de la petite mort trop souvent engendre des effets secondaires négatifs. Aussi, dans le mesure du possible, j'essaye de me plier à cette règle qui confine parfois à l'ascétisme. Savoir mixer plaisir et rigueur. Une véritable gageure. Mais qui permet de faire des vieux os.