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jeudi 18 juin 2015

Vegas 2015 (préambule) : Lost in la pampa !

Au poker, il y a une expression récurrente que l'on emploie au sujet d'une personne qui est entrée dans un coup et qui y a investi un maximum de jetons en situation extrêmement inconfortable, à la limite du mauvais bluff, sans rien de solide en main et sans réel espoir d'améliorer son jeu afin de remporter le pot : "être dans la Pampa". Cette expression existe aussi dans d'autres jargons (notamment cycliste) avec une signification proche. Une sorte de cambrousse, en somme, mais à la sauce américaine...

Avant de me rendre à Las Vegas pour y disputer le tournoi Monster Stack des WSOP, j'ai décidé de faire un crochet d' une petite semaine par l'Argentine afin d'y visiter de la famille éloignée d'autant que pour ce qui est du prix des billets d'avion, le surcoût occasionné par cette triangulation improvisée entre Paris, Buenos Aires et Las Vegas était plutôt raisonnable.

L'occasion était belle de pouvoir me ressourcer quelques jours en Argentine avant de me plonger dans le grand bain des WSOP à Las Vegas. Mais ce détour a failli me coûter très, très cher. Ma famille éloignée réside à Bellville, une modeste ville de 40.000 habitants en plein centre de l'Argentine, à 450 kilomètres à l'ouest de Buenos Aires. Pour y arriver, je n'ai connu aucune difficulté et j'ai pris l'autocar en toute tranquillité. En revanche, pour retourner à la capitale et prendre mon avion à destination de Las Vegas (avec escale à Miami), ce fut autrement plus compliqué en raison d'une grève nationale des transports argentins ayant paralysé l'ensemble du pays...

La pampa actuellement bien trop humide pour les champs
Car l'Argentine va très mal en cette année 2015, avec une inflation annuelle de 40% et des difficultés non seulement économiques, mais aussi politiques et sociales : une production agricole en berne (notamment en raison de conditions météorologiques défavorables), des revendications sociales tous azimuts et une classe politique en pleine crise encore accrue par une période pré-électorale particulièrement indécise, rendant ainsi le pays encore plus instable que d'accoutumée. C'est pour dire !

L'avant-veille de mon départ théorique pour Las Vegas, j'étais perdu en pleine Pampa argentine - dans tous les sens du terme - sans aucune certitude quant à la possibilité de rejoindre Buenos Aires à temps pour prendre mon avion. Alors que nous survolions en avion privé la Pampa et ses terres gorgées d'eau rendant illusoire tout espoir de rendement agricole correct pour la saison, je me faisais un peu de mauvais sang devant l'incertitude grandissante, tandis que mon voisin à bord de l'avion prenait quelques photos de la campagne environnante, notamment celle en illustration. On voit bien à quel point les terres sont gorgées d'eau bien au delà du raisonnable... cela fait des mois que cela dure et les récoltes ont été particulièrement mauvaises dans une grande partie de la campagne argentine. Par un effet de vases communicants, les exportations chutent et le pays s'appauvrit en devises, ce qui touche toutes les classes sociales... y compris celle des transports.

Il suffit parfois d'un grain de sable dans la mécanique ou d'une goutte de pluie en trop, et c'est tout un fragile équilibre social qui est remis en cause. Le génie humain ne s'exprime que grâce à la complémentarité des efforts et à la répartition harmonieuse des tâches entre toutes les classes sociales. une grève bien coordonnée peut suffire à paralyser un pays tout entier. Et j'ai failli en être victime collatérale : cela faisant de très nombreuses années que je n'avais pas ressenti un sentiment d'impuissance avec une force pareille. J'ai tremblé pendant près de 48 heures. Heureusement pour moi, la grève générale s'est achevée quelques heures avant le moment fatidique, et j'ai pu rallier non sans mal (trajet improvisé en voiture + changement de bus) la capitale, juste à temps pour pouvoir m'envoler pour Vegas et ses paysages nettement moins humides.


jeudi 4 juin 2015

EuroPoker : opération Okavongo ?

En décembre 2014, j'avais été contraint - comme beaucoup de joueurs victimes de la faillite d'Euro Poker - de déclarer ma créance auprès de Maitre Danguy, mandataire judiciaire à la liquidation d'Epmedia France, la société commerciale qui gérait la marque Euro Poker. Il m'a fallu un temps considérable pour pondre une déclaration aussi précise et exhaustive que possible, à hauteur de 4 437 Euros. Avec en prime la bagatelle de 15 annexes, histoire de blinder mon propos et de rendre mon dossier aussi complet que possible. J'ai donc reçu il y a quelques jours à peine sa réponse à ma déclaration de créance.

le fleuve Okavongo se perd dans le désert
Il est particulièrement irritant de penser que des tas d'individus isolés se retrouvent englués malgré eux dans de telles paperasseries. Des gens qui à la base voulaient juste passer du bon temps en jouant un peu au poker en ligne et dont les sous risquent au final de s'évaporer aussi sûrement que les eaux du fleuve Okavongo qui se perd dans le désert brûlant du Kalahari sans jamais parvenir à atteindre la mer.

Je pense à tous ces joueurs lésés qui n'ont pas la chance de comprendre ne serait-ce que les bases des rouages du droit, notamment en matière de procédures collectives. Comme si le boulanger du village, le garagiste d'à côté ou bien encore l'ouvrier de l'usine avaient un code de commerce en guise de livre de chevet ou bien un service juridique à leur disposition. "Oui bien sûr, Maître, je sers la baguette de pain à Mme Michu et je suis à vous. J'adore discuter de l'article L 622-27 en application à la procédure de redressement judiciaire selon les dispositions de l'article L 623-14 du code de commerce. Mon beau-frère ouvrier à l'usine, ce paresseux, il va faire appel à son cabinet d'avocats habituel avec lequel il a déjà gagné des dizaines et des dizaines d'affaires."

Je trouve la tournure prise par cette affaire complètement insupportable, d'autant que pendant ce temps-là, l'ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux en Ligne) - qui aurait  pourtant dû prendre le problème à bras-le-corps avec son service juridique - continue à faire ce qu'elle sait faire le mieux, à savoir : rien ! Il faut dire que l'ARJEL qui a lourdement failli dans son devoir de contrôle et de surveillance des opérateurs agréés constitue a mon sens le principal responsable de ce fiasco. Plutôt que d'opter pour un comportement schizophrénique qui consisterait à vouloir défendre aujourd'hui ceux qu'ils ont lésé hier, les gens de l'ARJEL préfèrent rester cohérents dans leur ligne de conduite en laissant patauger dans la fange aujourd'hui ceux qu'ils ont souillé hier avec la même insouciance qu'un bambin avec son premier pantalon à bretelles. C'est leur point de vue. Je ne suis pas certain que ce soit le bon. Heureusement qu'un avocat en herbe s'est spontanément manifesté sur le site Club Poker pour aider une partie des joueurs lésés et les accompagner dans leur démarche...

Le courrier laconique d'une vingtaine de lignes que vient de m'envoyer Maitre Marie Danguy en réponse à ma déclaration de créance est tout simplement consternant. En voici les éléments-clefs tels que rédigés par Maitre Danguy :

"Monsieur,
En ma qualité Mandataire Judiciaire, j'ai procédé contradictoirement à la vérification des créances déclarées au passif de l'affaire en référence. (...)

Votre créance est contestée par le débiteur à hauteur de 3 102 Euros au motif suivant :

Les tickets tournois ne sont pas payables en argent réel au joueur.
De plus les tickets expirés sont perdus. "

Eh bien ! Suffit-il d'un coup de baguette magique pour se débarrasser d'une créance pourtant censée être super-privilégiée et contre-garantie par un organisme de fiducie ? Deux lignes et abracadabra trouduc ouvre-toi ? Il faut croire que oui...

J'ai effectivement déclaré 3 102 Euros en tickets de tournoi. Car au poker, les tickets de tournoi, ce n'est pas de la monnaie de singe : ça a la même valeur que de l'argent réel, à ceci près que ce n'est pas fractionnable. J'ai transpiré des neurones pour les gagner, ces satanés tickets. Et de surcroît ces tickets n'étaient assortis d'aucune date de péremption, ça a moult fois été répété sur la plateforme par le staff d'EuroPoker. Je dispose d'un délai légal de 30 jours pour répondre à son courrier avec des mots choisis, un argumentaire en béton armé et un vocabulaire juridique de rigueur afin de lui expliquer que ce qu'elle vient de m'écrire-là est complètement dénué de sens. Faute de quoi mes 3 102 euros s'évaporeront dans les sables brûlants d'un désert impitoyable.

Le juge-commissaire aura a se pencher sur mon cas vu que je vais évidemment réagir vigoureusement et qu'il va falloir regarder tout ceci à la loupe. Mais dans tous les cas, que d'énergie perdue au passage ! Heureusement que j'ai la foi et l'envie de me battre, et que je dispose par ailleurs d'assez d'eau à mon moulin pour espérer une issue favorable. Sinon je serais réellement malheureux. A vrai dire, je suis malheureux. Surtout pour tous les autres joueurs incapables de faire entendre leur voix.

Je ne résiste pas au plaisir de fournir une petite pièce jointe extraite de la page Facebook officielle d'EuroPoker avec laquelle ces gens faisaient leur communication. "Pas de durée définie" pour les tickets. De plus, lors de la liquidation amiable des opérateurs en ligne Barrière Poker et Partouche Poker les tickets des joueurs ont été convertis en cash et reversés sur les comptes des joueurs. Dans ces conditions, quelles sont donc les chances pour que les arguments avancés par le débiteur soient réellement fondés ?