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mercredi 24 juin 2020

La part de la Pachamama

J'éprouve pour la culture andine un profond respect depuis mon adolescence. La cordillère des Andes et tout ce qui gravite autour me fascine véritablement, et j'avais déjà pu m'y promener une première fois il y a quelques années de cela. Le souvenir en avait été mémorable. A la faveur d'un calendrier propice, j'ai pu m'offrir en début d'année une brève escapade en Amérique du Sud, ce qui m'a permis de me rappeler si besoin était à quel point ceux qui habitent dans ces montagnes majestueuses vivent baignés dans une atmosphère radicalement différente de celle du modèle occidental. Certes, ils ont embrassé la culture chrétienne, mais ils n'en demeure pas moins que leur vraie foi, celle qui sort du fond de leurs entrailles est ailleurs. Les peuples andins entretiennent en effet un rapport à la terre bien particulier, tout emprunt de spiritualité. Leur terre-mère, véritable divinité sur les hauts plateaux est appelée la Pachamama. Ce petit voyage fut pour moi comme un piqûre de rappel... je tâcherai d'en éprouver les bénéfices dans ma vie d'homme libre, y compris jusque sur mes tables de poker.

Héritage de la culture inca, la Pachamama demeure considérée aujourd'hui encore par bon nombre de boliviens, péruviens, chiliens et argentins comme la bienfaitrice des hommes, leur permettant de vivre grâce à tout ce qu'elle leur rapporte : l'eau des rivières, la nourriture abondante de la terre ainsi que les animaux. Ceci explique pourquoi les hommes doivent prendre soin de la Pachamama, en la respectant profondément et en consentant quelques rituels et sacrifices afin de pouvoir continuer à bénéficier durablement de ses faveurs. En somme, les peuples andins sont des écologistes de la première heure, avec un zeste de superstition en plus. Ces rituels andins, s'ils ont pas mal varié avec le temps et selon les peuplades locales, n'en gardent pas moins un tronc commun selon lequel tout n'est qu'un vaste cycle et que de temps à autre les peuplades humaines doivent consentir à quelques sacrifices à la Pachamama, en guise d'acceptation ou de respect, afin de s'attirer ses faveurs sur le plus long terme (une bonne récolte, une protection spéciale, des pluies abondantes pour contrer une sécheresse, un bonheur familial, etc, etc.). Toutefois, si la Pachamama exige son dû, elle n'en demeure pas moins généreuse.

Allez hop ! Au trou, toutes ces bonnes choses...
Sans avoir assisté personnellement aux grandes cérémonies (notamment à la grande fête annuelle qui se tient début août), j'ai pourtant vu de mes yeux vus certains de ses sacrifices infinitésimaux consentis au quotidien par ceux qui vénèrent la Pachamama, tel ce chilien faisant couler par terre la première rasade d'une bouteille de vin à peine débouchée, ou bien encore ces boliviens jetant des feuilles de coca dans un trou afin de s'en attirer les bonnes grâces de leur terre-nourricière. Leur credo est assez simple : respecte la terre maintenant et elle te le rendra au centuple demain. Consens stoïquement à quelques menus sacrifices aujourd'hui et tu en seras largement récompensé prochainement.

Eh bien, plus j'y réfléchis et plus je me dis que la spiritualité andine focalisée sur la Pachamama s'avère parfaitement adaptée à la mentalité d'un joueur gagnant au poker. Car il faut selon moi savoir chérir ses bad beats aujourd'hui pour mieux embrasser ses victoires de demain. Je ne compte plus les histoires entendues ici ou là de coups incroyables perdus par les uns et les autres (que ce soit sur les forums de discussion, les chats en ligne ou bien encore dans les couloirs de casinos...). C'est souvent la même rengaine de joueurs contrariés, frustrés, agacés ou même carrément en colère contre les coups de malchance qu'ils subissent invariablement. L'insulte envers autrui n'est jamais loin. Une mentalité matérialiste au possible, emprunte d'égoïsme et dénuée de toute objectivité. Comme s'il était réaliste de ne jamais avoir son quota de malchance ! La froideur implacable des mathématiques devrait pourtant ramener rapidement tous ces gens à la raison : dans les faits, il n'en est pourtant rien... Le bal des pleureuses à la vérité jamais ne cesse. Il s'agit là d'un mal occidental, j'en ai bien peur. Toutes ces jérémiades incessantes sont difficilement supportables à écouter dès lors qu'elles ne soient pas racontées avec un zeste de détachement.  Sans oublier qu'un tel comportement de grognard ou de geignard dégrade inévitablement la qualité de jeu de celui qui l'adopte !

Soyons réalistes : un véritable joueur de poker gagnant - disposant d'une supériorité technique sur ses adversaires - est invariablement condamné à devoir supporter à longueur de temps sa part de poisse.   Il ne sert à rien de pester, bien au contraire. C'est en quelque sorte une offrande à laquelle on se doit de consentir pour continuer à avancer. Un sacrifice à surmonter avec le plus de dignité possible. Le petit monde du poker constitue en quelque sorte une Pachamama à part entière pour le Joueur avec un J majuscule, puisqu'il s'agit bel et bien d'un microcosme dont certains parviennent à tirer parti non sans peine (à la condition expresse de savoir courber l'échine et de s'adonner à un dur labeur). C'est ce qui explique en partie à mes yeux l'importance des rituels de préparation avant et pendant les sessions de poker. Que ce soit dans le choix de ses tables, dans le temps utile consacré aux pauses, dans toutes ces petites choses qui favorisent la quiétude dans le processus décisionnel à table. En choisissant de faire usage de rituels et en adoptant des habitudes de jeu, on en vient parfois à frôler la superstition, mais à la vérité du rituel maitrisé naît l'acceptation de la (dure) réalité et la sérénité face aux situations rencontrées, ce qui permettra d'oublier au plus vite les coups du sort et de prendre in fine les meilleures décisions possibles.

C'est une évidence, je suis tout sauf matérialiste et je respecte moi aussi profondément la Pachamama dans ma vie de tous les jours, bien que ce soit d'une façon qui m'est toute particulière. S'agissant plus spécifiquement du poker, j'ai intégré depuis bien longtemps que mon bad beat d'aujourd'hui préfigure ma victoire de demain. Mes rituels et sacrifices sont désormais bien définis et parfaitement en place, bien intégrés à ma philosophie de jeu. Ô Pachamama, je consens à t'offrir ton dû ! Accepte-le et fais-en ce qu'il te plait. Repais les adversaires que tu jugeras digne. Mais surtout n'oublie pas que je suis ton serviteur dévoué. N'oublie pas non plus de faire prospérer ma récolte pour la saison à venir. Merci à toi. J'aurais probablement dû naître bolivien ou péruvien.
 



lundi 1 juin 2020

Moins de bip bip, plus de musique !

A la faveur d'un regain d'intérêt pour les streams poker ces dernières semaines, je me suis soudainement rendu compte en regardant un streameur jouer un soir tard de l'aspect pénible - voire nuisible - provoqué par certains bruitages caractéristiques sur les plateformes de poker en ligne (notamment lorsque c'est à notre tour de jouer, mais pas seulement). A cette occasion, j'ai eu comme un flash : je me suis demandé à quel point ces bruitages, tous différents selon la plateforme où l'on joue ne constituent pas un élément davantage nuisible que profitable. J'avais déjà cette impression empirique depuis un certain temps dans un coin de ma tête. Et si c'était vrai, après tout ? Et si ces bruitages polluaient la concentration ?

Certes, il est parfois particulièrement utile de savoir que le temps presse et que notre main va être automatiquement couchée si on ne réagit pas immédiatement. A ce titre, le petit "bip bip" de rappel avec lequel tous les joueurs assidus des sessions poker jouées sont familiarisés n'est pas superflu. Toutefois, un joueur réellement investi, vigilant et assidu à sa table doit pouvoir se passer de tous ces bruitages. Partant de l'hypothèse que ma concentration n'est pas optimale aux tables lorsque je laisse ces divers bruitages s'exprimer, j'ai donc provisoirement pris la décision de supprimer l'ensemble des éléments sonores à mes tables, et d'accroitre en retour la part de musique dans mes sessions. J'avais déjà eu l'occasion de m'exprimer par le passé sur les vertus supposées de la musique en vue d'atteindre un degré de concentration élevé, mais jusqu'ici, ladite concentration était toujours quelque peu parasitée par les bruitages de mes tables de poker. Pour le moment, je trouve que le fait de rendre ses lettres de noblesse à la mélodie plutôt qu'au bruit s'avère agréable... même si ce n'est qu'une impression empirique et que par ailleurs le risque de coucher accidentellement des mains sans la piqûre musicale de rappel s'en retrouve décuplé. Mais je verrai bien sur le moyen-long terme si cet ajustement sonore récent au profil de la musique contribuera ou pas à l'accroissement de mes performances.

En attendant d'avoir assez de recul pour trancher, et pour paraphraser quelque peu Karen Cheryl dans son tube de légende "Oh ! chéri chéri..." qui juste avant de fredonner le refrain de la chanson termine son couplet par la célèbre phrase "Moins de paroles, plus de musique", je vais désormais m'atteler à entamer mes sessions en chantonnant pour ma part "Moins de bip bip, plus de musique". Et puis, comme chacun sait, juin constitue le mois de la fête de la musique, que diable ! alors tant pis si je chante faux. Et tant pis si le Coronavirus vient gâcher la fête de la musique en cette année 2020 si particulière. Décision est prise de monter un peu le son à mes tables de poker... et le tour sera joué lorsque ce sera à mon tour de jouer ! CQFD.