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mercredi 29 mars 2017

Jouer contrarié

Ce blog constitue pour moi un bon moyen de canaliser mes émotions et mon adrénaline en lien avec le poker. Les envies de rédiger me viennent d'ailleurs le plus souvent après avoir vécu des émotions fortes (bonnes ou mauvaises) et après m'être repassé certains moments-clef dans la tête. C'est dans de tels moments que j'ai la plume qui me chatouille. Mais pour ce qui est de canaliser mes émotions et petites contrariétés liées à la vie de tous les jours, c'est une toute autre paire de manches.

La contrariété et le stress génèrent une telle perte de lucidité que cela aboutit parfois à des pulsions proches de la frénésie destructrice. Les Etats-Unis d'Amérique, contrariés et meurtris par l'attaque surprise de septembre 2001 se sont lancés dans une lutte impitoyable contre le terrorisme international. Mais pas seulement. Car cette soif de revanche leur a fait commettre au passage bon nombre de bourdes ayant pour effet d'éloigner pour longtemps ce pays du chemin de la vertu et de l'exemplarité à travers le monde. L'Irak a ainsi été mis à feu et à sang, alors que les prétendues armes de destruction massive prétexte à pareille intervention n'existaient pas. Dommages collatéraux.

Vais-je prendre la bonne décision ?
Heureusement pour moi, mes soucis personnels sont bien plus anodins pour le destin de la planète. Mais ils ont tout de même un impact sur mes sessions poker. Il y a deux jours de cela, j'ai entamé une séance de jeu en étant très contrarié. Pour diverses raisons n'ayant rien à voir avec le poker, mais qui ont eu pour effet d'influer de façon substantielle sur ma qualité de jeu du fait de leur trop grande accumulation en un court laps de temps. Pour un peu, ça en serait presque amusant à observer tellement je pouvais palper les effets de la dégradation de mon jeu. Presque, seulement, car sur le plan des résultats, c'est dévastateur ; et je ne suis pas masochiste.

Au poker, le A-Game, cet état second permettant aux bons joueurs de prendre intuitivement un maximum de bonnes décisions au regard de la situation rencontrée (cartes, positions, adversaires, momentum) s'obtient par un mix de dynamisme et de discipline. Il s'agit d'un cocktail d'agressivité mâtiné de patience. Tout est dans le dosage. Mais les déséquilibres émotionnels ne sont jamais loin et feront immanquablement rater la recette. Un joueur démoralisé jouera trop passivement les coups et laissera passer sans s'en rendre compte les multiples opportunités de briller, tandis qu'un joueur contrarié exprimera sa frustration du moment via un excès d'agressivité qui risquera de le conduire dans le fossé à tout moment, accentuant encore sa frustration lors des mains suivantes et alimentant une spirale négative.

A titre personnel, j'ai la chance d'être assez peu perméable à ces fluctuations mentales néfastes. Mais je suis humain. Et j'ai donc pu expérimenter d'assez près le phénomène lors de mes toutes dernières sessions de jeu : jouer en étant contrarié a ainsi multiplié les d'erreur dans le calibrage de mes mises puisque je projetais bien malgré moi une partie de ma frustration sur les joueurs adverses venant se mettre en travers de mon chemin. Quand bien même ces derniers n'aient rien à voir avec la source originelle de la frustration. Un manque de discipline palpable mais difficile à endiguer sur le moment.

Face à une telle situation négative, il faut pouvoir évacuer l'amertume le plus vite possible par des moyens plus appropriés. Il existe de multiples façons saines et constructives afin de se défouler efficacement lorsqu'on est contrarié par l'impuissance du moment à résoudre les difficultés rencontrées. Faire du jogging, pratiquer un sport à en transpirer de partout, prendre des vacances au soleil, aller crier seul dans la forêt ou au bord de la mer devant le ressac des vagues, prendre une longue douche, etc. Voilà des méthodes efficaces afin de se défouler et repartir du bon pied. Il y en a bien d'autres. Mais s'assoir à une table de poker en prenant ses adversaires pour des punching balls virtuels ne constitue définitivement pas un exutoire efficace lorsqu'on ressent les effets de la contrariété (au même titre que se gaver de nourriture, boissons alcoolisées ou toute autre activité générant une addiction). Ou alors c'est un exutoire qui risque de coûter cher.

Au poker, on se bat aussi et surtout contre soi-même. A fortiori lorsqu'on a un tant soit peu de talent. Le mental et le moral sont déterminants dans l'obtention des résultats tout autant que la technique et la chance. Je souhaite continuer à vivre ce jeu comme un art, source intarissable de plaisir intellectuel et d'orfèvrerie ludique. Alors demain, c'est décidé, je ferai 10 fois le tour du parc. Ca m'évitera d'aller envahir l'Irak pour rien.


Note pour plus tard : jouer au poker en étant contrarié est contre-productif pour les finances.


samedi 25 mars 2017

Jeter la main gagnante en toute connaissance de cause

LA MINUTE TECHNIQUE DE MONSIEUR FREDYL - chapitre 1


Ce blog de poker n'a pas réellement vocation à parler de technique, mais de temps en temps, il faut bien en parler un peu, d'autant qu'en l'espèce l'anecdote est croustillante. Il m'est en effet arrivé aujourd'hui quelque chose de rare : JETER VOLONTAIREMENT LA MAIN GAGNANTE à la river lors d'un gros pot ! Et ce, sans qu'il soit aucunement question de favoritisme ou de collusion. Comment ai-je bien pu en arriver là ?



Fredyl en cash game vs un écervelé :

PREFLOP : Je suis à une table de cash game micro-limites et je suis muni d'une belle main de départ : AS-DAME. J'ai 250 blindes en stock, en bataille de blindes contre un adversaire ultra-profond qui dispose de 300 blindes. Il limp le coup, et je décide d'effectuer une petite relance. Le pot au flop fait donc 6 blindes. 

FLOP : Suite à un flop ultra favorable proposant un premier AS, puis un second AS et ensuite une carte quelconque (un SEPT), j'effectue une petite mise de continuation, que mon adversaire paie sans broncher. Le pot fait à ce moment-là 10 blindes. 

TURN : A la turn, une DAME apparait, m'offrant un merveilleux full. J'effectue une petite mise de 4 nouvelles blindes, payées par mon adversaire. Le pot fait 18 blindes. 

RIVER : la cinquième et dernière carte est... une nouvelle DAME. A ce moment-là, mon adversaire fait tapis pour 300 blindes (soit plus de quinze fois le montant du pot !!!). Avec cette DAME à la river, n'importe quel AS en main lui donne de ce fait un full de valeur équivalente au mien. Si je paye la mise adverse et accepte de mettre mes 250 blindes sur la table, il y a plus de 99 % de chances que le pot soit ainsi divisé en deux parts égales... mais mon calcul doit tenir compte du rake (la commission prélevée par l'opérateur sur le pot étant de 6.5%). 

DECISION : Sachant que ledit rake pour un pot de 500 blindes serait de 32 blindes, effectuer le call ici m'appauvrirait au final de 16 blindes tandis qu'en renonçant volontairement au pot je n'en perdrais que 9 ! C'est la raison pour laquelle je me suis résolu à jeter cette main, pourtant gagnante, sans l'ombre d'un remord. J'aurais perdu davantage en partageant le pot plutôt qu'en abandonnant le coup. C'est paradoxal mais c'est comme ça ! Mon adversaire était un joueur peu au fait de la notion de rake, sinon il se serait bien évidemment abstenu de commettre pareille fantaisie erreur mathématique en faisant tapis de la sorte.

MORALITE : Faire tapis à la river pour un montant indécent déconnecté de la taille réelle du pot alors que les chances pour que ledit pot soit au final partagé constitue une hérésie mathématique à une table de cash game. A bannir absolument. Le but en cash game n'est pas de générer du rake gratuit mais bien du profit exclusif. Dans un tel cas de figure, une relance calibrée raisonnablement est la seule alternative mathématique acceptable.



Autre cas de figure théoriquement possible : en tournoi (ou en sit and go) :

A bien y réfléchir, en tournoi, je ne vois qu'un seul autre cas de figure où il peut s'avérer profitable de jeter en toute connaissance de cause la main gagnante à la river sur un pot conséquent. Et encore, je ne suis pas persuadé que ce second cas de figure soit moralement acceptable. 

Il s'agirait de jeter la main gagnante à l'entame d'un palier de paiements, alors qu'on a une emprise sur la table et que l'on assèche de façon homogène l'ensemble des tapis de ses adversaires en raison d'une situation bancale selon laquelle aucun de ses adversaires ne souhaite prendre de risque afin de ne pas être le prochain sortant. Lorsque de tels cas de figure surviennent, il est très intéressant pour le cheap leader de la table de continuer à ponctionner ses adversaires. L'élimination du prochain joueur à la table risquant de rompre cette situation de fait où le racket de l'ensemble des joueurs de la table est tacitement autorisé, un cheap leader extrêmement rusé et aguerri pourra ainsi volontairement jeter une main gagnante afin de ne pas éliminer prématurément l'un de ses adversaires, de telle sorte que l'équilibre précaire à la table puisse continuer à lui profiter dans la durée : mieux vaut parfois ponctionner régulièrement des sources de profit dociles que d'en confisquer une autoritairement.



Jeter en toute connaissance de cause la main gagnante à la river ne constitue donc pas toujours une bourde imputable à un mauvais clic. Ni même un cas de collusion. Mais c'est néanmoins un cas de figure rarissime assez amusant à raconter... Quant à le vivre, c'est autre chose ! Le fait que les opérateurs de poker prélèvent du rake sur un pot splitté en cash game me parait une pratique inéquitable à bien des égards... mais l'Etat français ne se gênant pas pour imposer sa dîme exorbitante de 2% sur chaque centime misé, on comprendra que les opérateurs de poker en ligne rechignent à faire le moindre effort en la matière. Car in fine, les joueurs sont toujours les dindons de la farce.


lundi 13 mars 2017

Un peu de cash game pour changer

Je ne suis pas du tout un fervent adepte du cash game poker. J'en fais un peu de-ci de-là, lorsque j'ai envie de laisser au repos pendant quelques temps mon instinct de compétiteur de tournois ou lorsqu'une promotion organisée par une plate-forme de poker en ligne nécessite un passage par les tables de cash game afin d'être validée.

Car il ne faut pas croire : jouer les compétiteurs d'opérette à coup de tournois de poker en ligne génère une certaine usure mentale dès lors que les résultats du moment ne soient pas à la hauteur des espérances. Alors aller jouer un peu de cash game (ou de poker gratuit) sans pression peut constituer un bon compromis afin d'entretenir le plaisir de jeu sans pour autant sombrer dans la mauvaise addiction du joueur avide de se refaire après une mauvaise passe. 

Par ailleurs, sachant qu'il est d'usage chez bon nombre de plate-formes de mettre en place ponctuellement des promotions intéressantes - avec bonus et autres dotations additionnelles alléchantes - nécessitant de sortir du pré carré habituel poker, chasser les promotions poker de la sorte constitue aussi l'occasion de s'essayer à des disciplines (cash game classique, speed poker, sit and go...) auxquelles je ne m'adonne que de façon occasionnelle. 

C'est ainsi que parfois, pour peu qu'on y mette un peu de bonne volonté, ces "exercices de style" consistant à jouer dans des formats poker habituellement relégués au second plan - voire carrément négligés - peuvent générer quelques bonnes surprises, permettant un plaisir de jeu renouvelé (auquel on ne s'attendait pas forcément) avec en prime la faculté de peaufiner sa technique de jeu sous un nouvel angle.

Je pense qu'une pratique assidue du cash game et du speed poker constitue l'équivalent du solfège pour le musicien qui fait ses gammes. La technique d'un joueur de poker pourra ainsi y être affinée pour ce qui est des calculs d'équités et de cotes mathématiques et même s'il est vrai que certains musiciens particulièrement doués n'ont pas besoin de connaitre leur solfège pour composer des mélodies parmi les plus harmonieuses, d'un point de vue poker cela ajoute quand même une précieuse corde supplémentaire à son arc lorsqu'on est un joueur plus ambitieux que la moyenne. Quand bien même je sois un joueur plus intuitif que méthodique, il n'est pas à exclure que ma pratique accrue de cash game et de speed poker de ces derniers temps influe à terme sur ma façon de jouer mes tournois, en y réincorporant un zeste de théorie en plus ; encore faut-il que cette influence soit in fine positive : le fait d'ôter quelques cailloux à son jardin ne doit pas avoir pour effet d'en faire une jachère. Je vais donc scruter dans les prochaines semaines et les prochains mois mes performances en tournois et voir si les petites graines du bourbier ambiant y poussent plus efficacement. Sait-on jamais...

Le cash game à grande vitesse, ça décoiffe




jeudi 2 mars 2017

Février tronqué : dépendance au sentier et hibernation

Tout le monde le sait, le mois de février est le plus court de l'année. Un jour lointain, lorsque l'humanité aura un peu de temps à perdre - si j'ose dire - il faudra qu'elle pense à raboter deux mois de 31 jours du calendrier annuel actuel afin de pouvoir rajouter deux jours à février et d'équilibrer un peu les choses. 

Car février est le laissé pour compte des almanachs. On appelle cela la dépendance au sentier : un ensemble de décisions passées influant fortement sur les décisions futures. C'est le poids des habitudes ; des particularités historiques ont cessé depuis belle lurette d'être optimales ou rationnelles mais perdurent vaille que vaille car les changer impliquerait un coût ou un effort d'adaptation trop importants, alors même que ces changements seraient bénéfiques à terme.

Février et ses 28 jours 1/4 !! Personne ne s'en offusque, mais moi qui ai un sens profond de la logique, cela m'égratigne depuis l'enfance. Il n'y a que les salariés payés mensuellement qui se réjouissent. Ils sont légion en France. Las ! Que n'ai-je pas choisi d'écrire un blog intitulé "Fredyl à la conquête du bon sens" ? L'injustice faite à février y serait longuement développée. Mais je m'égare. Je suis censé parler de poker sur ce blog-ci.

Toujours est-il que les chances d'obtenir une performance poker significative pendant un mois de 28 jours sont plus faibles que les autres jours de l'année ; de même que les chances d'écrire davantage d'articles de blogs que les autres mois sont également plus faibles. Logique imparable. Si j'ajoute à cela le fait que j'aie joué au cours de février avec une bien inhabituelle intermittence, on comprendra aisément que je ressemble actuellement bien plus à un ours sortant péniblement de sa phase d'hibernation qu'à un joueur talentueux en pleine réussite. Le nombre de mes tournois joués est famélique et mes performances notables inexistantes. Je me sens tout maigrichon, titubant, les yeux éblouis par l'excès de luminosité au moment de sortir de ma tanière hivernale. Il va falloir reconstituer mes stocks de graisse au plus tôt.

Il ne s'est donc rien passé de significatif en février (à une petite exception près) et je demeure toujours dans le rouge depuis le début de l'année, les pertes excédant les gains de manière significative. Ce n'est pas à cette cadence-là que j'arriverai à quoi que ce soit de significatif en 2017 : si tous les chemins mènent à Rome, ceux qui mènent à Vegas ne s'empruntent pas à reculons ! Qu'on se le dise. Aussi, je vais tâcher de me retrousser un peu les manches, afin de sortir les as qui y sont blottis et d'abattre de bien meilleures cartes sur la table. Le tout sans tricher. Comprenne qui pourra.