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lundi 23 octobre 2017

Soleil et poisse à la Villette (2/2)


Bomber le torse avant de se prendre une bombe
Pour cette édition 2017 du Wipt à La Villette, j'avais décidé de laisser mon chapeau magique dans ma besace et me suis contenté de venir en arborant un T-Shirt Wam Poker. Après tout, je suis actif sur ce forum, véritable pilier communautaire de Winamax, et ledit T-Shirt Wam me sied plutôt bien. J'avais toutefois emporté mon petit sphinx, ce dernier étant décidé à farouchement protéger mes jetons contre la rapacité de mes adversaires. Le fait est que les toutes premières heures de mon tournoi se sont déroulées sans accroc, et j'ai quasiment doublé mon tapis de départ sans trembler, pour le plus grand plaisir de mon sphinx assis sur une confortable pile de jetons. Mais on sait tous qu'au poker, rien n'est jamais acquis : tout peut survenir en un laps de temps très court, y compris un improbable revers de fortune alors que l'on dispose d'un stack confortable.

Car improbable ne veut pas dire impossible : au poker, il n'y a pas de justice a proprement parler et il ne faut pas surtout pas croire que remporter les coups où l'on est largement devant constitue une obligation : le Dieu du Poker n'est pas notre laquais. Au final, c'est lui qui façonne notre destin de joueur. Car le pire des scenarios peut survenir absolument n'importe quand tant que le tournoi n'est pas terminé. C'est d'ailleurs à mon sens ce qui contribue à l'universalité de ce jeu. Ce week-end à la Grande Halle de la Villette, j'ai donc subi un énorme bad beat qui a provoqué mon élimination du tournoi principal du Wipt, mais il faut bien que de temps en temps la balance penche du côté de l'improbable. Alors autant l'accepter et évacuer de son esprit au plus tôt de tels contrecoups, car sinon le début de frustration subi dans pareil cas de figure en s'accumulant risque de se cristalliser et de se transformer en une amertume nuisible, toxique pour l'esprit, délétère pour le moral et de nature à durablement altérer la qualité de son jeu.

Si j'ai créé ce blog de poker, c'est plutôt pour raconter la richesse de ce jeu dans son aspect émotionnel et terriblement humain. Il me semble toutefois utile dans un cas comme celui-là d'exposer les faits dans toute leur froideur mathématique, afin d'un peu mieux comprendre le ressenti du moment.

Alors qu'un peu plus de la moitié des joueurs étaient toujours en lice dans ce Wipt samedi après-midi, je suis de grosse blinde avec un stack un peu supérieur à la moyenne et les trois joueurs qui me précèdent à la table s'engagent tous dans le coup à la faveur d'une relance minimaliste en guise de fait générateur. Il ne me reste qu'une blinde à rajouter pour m'inviter à la fête (le pot faisait 7 blindes) et je sais pertinemment que quelle que soit ma main, ce n'est pas une erreur que de payer une blinde pour avoir le droit de participer au coup. En l'occurrence, je possède un petit six de carreau et un timide huit de pique.

6 et 8 dépareillés, c'est vraiment une piètre main de départ, mais difficile de rêver meilleure situation lorsque le flop nous est alors révélé :  un 4, un 5 et un 7. Bingo ! J'ai la quinte. Haute, de surcroit, et les trois cartes du flop sont de trois couleurs différentes, rendant hautement improbable tout risque de couleur. Alors que je m'apprête à démarrer mon petit cinéma avant de miser un peu tout en faisant semblant d'hésiter, je suis ébahi de voir le joueur de petite blinde prendre l'initiative avec de surcroît une mise sensiblement supérieure à la taille du pot. Je me dis qu'il a soit deux paires, soit brelan, soit la quinte basse (3 et 6), soit de façon plus improbable la quinte haute (6 et 8) comme moi. A ce moment-là, j'adapte mon registre de comédien à cette situation aussi inattendue que favorable pour moi, en me plaignant que sa mise est trop haute, histoire d'afficher une faiblesse feinte propice à ce que l'un des deux autres joueurs restants s'embarquent également dans le coup, chose possible si d'aventure l'un d'entre eux possédait une paire servie en main (voire un petit brelan). Les deux  joueurs en question passent (ce qui est dommage pour moi), et je me retrouve alors en tête à tête avec le joueur de petite blinde. 

Le pot est déjà conséquent, et l'apparition d'un 2 de pique en guise de turn me fait on ne peut plus plaisir : ma main demeure en effet la plus forte possible à ce stade. Cerise sur le gâteau, je n'ai même plus à craindre une hypothétique couleur river puisque le flop avait révélé un trèfle, un carreau et un coeur. En un mot, je joue sur du velours tellement le coup est facile. Et lorsque le joueur de petite blinde remet une énorme quantité de jetons sur la table, je sais qu'il est mathématiquement engagé si je le sur-relance à tapis à ce moment-là, ce que je n'hésite d'ailleurs pas à faire, quand bien même je fasse un peu semblant de ne pas être sûr de mon coup. "Tapis" ! Il annonce "payé" sans hésiter. Il révèle sa main de départ : 4 et 5 non sans faire une énorme moue de dépit en voyante ma quinte max sachant qu'il n'y a plus dans le paquet que quatre cartes pour le sauver (les deux derniers 4 et les deux derniers 5). Pour mon plus grand plaisir, l'un des joueurs ayant couché sa main précédemment annonce avoir abandonné As - Cinq !

Et là, alors qu'il dispose encore d'un stack plus que confortable, mon adversaire en bien fâcheuse posture se met en état de frénésie et supplie le joueur faisait office de croupier : "allez, un 4, allez, un 4, un 4 un 4, un 4 s'il te plait, allez donne-moi un 4". Certes, il s'agit du plus gros pot disputé à la table depuis le début de la journée, mais autant j'aurais considéré cette attitude avec amusement si j'avais eu un tapis supérieur au sien et qu'il risquait l'élimination immédiate, autant là, son comportement frôle l'indécence car c'est moi qui risque l'élimination sur ce coup malgré les probabilités extraordinairement favorables. J'ai beau avoir 91% de chances de remporter le pot, je sais qu'un accident industriel est toujours possible, au poker.

Une petite clameur monte de la table lorsque survient un cruel 5 en guise de river, venant injustement me crucifier alors que j'ai joué ce coup parfaitement de A à Z, sachant que j'avais parfaitement ferré et piégé mon poisson. Pour la première fois depuis que je joue au poker en live, je laisse échapper un (tout petit) juron de dépit et dois abandonner mon tournoi au moment même où j'aurais pu posséder trois fois plus de jetons que la moyenne de joueurs restants. Cela ne m'a pas empêché de retrouver un bref instant le sourire en me levant de la table et en souhaitant bonne continuation aux joueurs restants. Conséquence de cette élimination précoce : j'ai par la suite esquivé la journée de dimanche, profitant du soleil et de la température estivale pour reprendre ma vie normale. Et c'est tant mieux comme ça.

Tant qu'il existe des pourcentages de chance - même minimes - permettant à un joueur de remporter le coup à l'abattage final, eh bien il faut être prêt à tous les cas de figure, y compris le plus improbable. Mon Wipt 2017 à La Villette s'est donc achevé prématurément suite à cette énorme déveine. Mais peu importe que j'aie dû subir pareil coup du sort, car après tout, c'est aussi ça, le poker : la poisse fait pleinement partie du jeu et nourrit le joueur en adrénaline, au même titre que les coups de bol. Dans tous les cas de figure, cet épisode est là pour rappeler si besoin est qu'au poker la chance ne constitue pas un dû, quand bien on puisse être systématiquement devant sur le plan statistique lorsque l'on se retrouve à tapis. 

Bye Bye la Villette. Rendez-vous l'an prochain.





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