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mercredi 13 septembre 2023

Snow-board : accident sur la pente de ski

La nuit dernière, lors de ma session de poker en ligne, j'ai croisé à mes tables de Omaha un drôle d'énergumène, de ceux que l'on croise occasionnellement : un dévaleur de pente tout schuss.

J'étais en train de contrôler tranquillement ma table de Omaha en position de chip leader, on avait atteint les places payées et quelques dizaines d'euros de gains étaient déjà assurées... la table finale et ses gains potentiels à trois chiffres se dessinaient à l'horizon. Avec ma centaine de blindes et une confortable avance par rapport au stack moyen, je me sentais alors inexpugnable dans ma position ultra dominante. Apprécier de tels moments - face à des adversaires que je domine de par ma technique, mon calme et une dynamique de table clairement en ma faveur - fait partie des petits bonheurs simples que procure le poker au joueur aguerri, et je sais les savourer.

Soudain, surgi de nulle part, un joueur attire mon attention sur un premier coup atypique, où il engage l'intégralité de son modeste tapis contre moi. Il remporte le coup et double son stack alors que ses chances de remporter le coup étaient des plus minces. Une vingtaine de blindes de perdues sur un coup de malchance contre un joueur peu inspiré ne constitue absolument pas un drame, d'autant que je demeure leader en jetons. 

Je décide aussitôt de me reconcentrer sur la suite de mon tournoi... sauf que sur le coup suivant je me retrouve avec une merveilleuse main de départ, confirmée par un flop de rêve qui me conduit tout naturellement à faire monter les enchères contre ce même joueur. Là encore, il engage contre moi l'intégralité de son tapis, cette fois-ci beaucoup moins maigrichon avec une main absolument pas légitime et moins de 10% de chances de remporter le coup. Pourtant, le Dieu du Poker, toujours aussi facétieux, décide de me chatouiller à nouveau sous les aisselles, et je perds le coup, non sans lâcher un sourire penaud devant pareille infortune. 

Salut, copain...
Perdre des coups improbables contre des joueurs plus faibles fait partie intégrante du poker alors hors de question de me plaindre, d'autant que je demeure vaillant. Me voilà désormais rentré dans le ventre mou du peloton en termes de jetons et à ce moment-là, je me harangue intérieurement pour demeurer concentré et ne pas rentrer dans une bataille d'ego contre le joueur qui m'a collé deux misères improbables à la suite. Mais il était dit que ce même joueur - que je me qualifierai même pas de "fantasque" mais plutôt de "mouton suiveur" au vu de son style de jeu - allait aussitôt faire parler de lui. Rebelote, dès le coup suivant, je me retrouve une nouvelle fois en position d'une forte main, que je valorise de telle sorte à faire aussitôt grossir le pot ; brelan floppé, je fais monter les enchères, la turn étant anodine, j'envoie alors tout mon stack, je suis payé par mon adversaire... à la river je n'ai plus que 80% de chances de gagner le coup car je découvre que la turn lui a ouvert quelques tirages. Las, il touche l'une des cartes dont il avait besoin et m'éjecte du tournoi en deux temps trois mouvements. Trois coups de malchance à la suite contre le même joueur et me voilà récupérant tout juste quelques miettes de gains alors que le podium, voire la victoire, étaient plus qu'à ma portée.

Par curiosité, je décide d'aller vérifier la courbe de gains/pertes du joueur qui vient de m'éjecter du tournoi de manière aussi brutale, d'autant que le pseudonyme qu'il s'est choisi est assez peu flatteur et m'interpelle forcément. Et là, je peux enfin mesurer l'ampleur du phénomène dans son côté statistique implacable et cruel : ce joueur joue régulièrement sans discontinuer depuis 2010 ; il s'avère qu'il s'agit d'un perdant éternel avec une régularité métronomique qui fait froid dans le dos. Son passif se monte à près de 200 000 euros de pertes nettes. Voici donc quelqu'un qui consacre à fonds perdus l'équivalent d'un SMIC entier par mois, sans jamais briller puisque sa courbe descendante est d'une régularité à toute épreuve, aussi pentue qu'une piste noire aux sports d'hiver. Me faire percuter de plein fouet par un dévaleur de pente sur une piste noire m'aura laissé des traces puisque le choc fut assez traumatique, mais à la vérité, je bénis intérieurement ce type de joueur d'exister et de contribuer à alimenter l'écosystème. Probablement un sportif, un artiste ou un fils de. Des joueurs pareils, il en faut. A la vérité, les dévaleurs de pente sont mes adversaires préférés. J'ai hâte de rejouer contre lui. Encore et encore. Et tant pis pour les quelques accidents de ski que cela occasionne parfois à l'occasion des collisions brutales...