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jeudi 31 décembre 2020

2020, une année à oublier

Bon et bien voilà une année 2020 qui ne restera pas les annales de ma conquête du poker. J'ai fait une année blanche. Sans aucun éclat. Les quelques euros gagnés ici ont vite été reperdus là. Il faut dire que mon volume de jeu aura été vraiment faible : un premier semestre fantomatique et un second semestre monochromique. Si on rajoute à cela l'effet Coronavirus avec l'obturation de toutes les habituelles fenêtres  vers des événements live, on aboutit au résultat final le plus fade et le plus insipide qui soit : l'année blanche. Sans gains ni pertes.

La bonne nouvelle, c'est que je ne joue pas pour l'argent : ne pas gagner pendant une longue période ne m'affecte pas particulièrement. La mauvaise nouvelle, c'est que si je ne joue pas pour l'argent c'est parce que je joue pour le rêve... et là, le rêve se retrouve provisoirement relégué vers les limbes de mon cerveau.

Le mal, il n'est pas dans l'année blanche que je viens de réaliser. Il est bel et bien dans l'année transparente que je viens de vivre. La nuance est de taille. Si j'apprécie ce jeu, c'est essentiellement parce qu'il induit chez moi un effet maelström : je démarre une soirée comme une autre assis sur ma chaise derrière mon écran d'ordinateur et à un moment donné je me retrouve propulsé vers des horizons insoupçonnés. J'en ai vécues, des aventures. Mais là, avec le monde qui tourne à l'arrêt tous les événements de type passerelle online-live ont été annulés ou reportés, et ma part de rêve induite par l'effet maelström s'en est retrouvée fortement affectée. Alors ma motivation s'en est trouvée affectée. Ce n'est que provisoire, je le sais. Je vais rebondir. Espérons que 2021 soit un meilleur cru que 2020. Ce ne devrait pas être bien difficile.

jeudi 24 décembre 2020

Avec les as, tout est plus simple (2/2)

Le scenario est bien rodé : il se reproduit épisodiquement, par intermittence, sans aucun signe avant-coureur, à la faveur d'une soirée poker qui débute sur les chapeaux de roues. Plusieurs paires d'as à intervalles rapprochés qui vont à tapis contre des mains ultra-dominées (de type As-Roi ou As-Dame) et qui permettent de doubler rapidement son stack lors des premiers niveaux d'un tournoi. Pour éviter la monotonie des as, une paire de rois qui produit un effet similaire de temps en temps n'est pas de refus. On double encore son tapis. Toutes nos tables sont à marée haute. Une nouvelle paire d'as à une autre table. On dirait bien que c'est la fête. La soirée est lancée de la plus belle des manières. La chance est manifestement au rendez-vous puisque les as sont là et qu'ils ne se font pas injustement craquer : de quoi s'en pourlécher déjà les babines ! Nos adversaires semblent n'être là que pour jouer le rêve de victimes expiatoires. Dans de pareils moments, alors qu'il est à peine plus de 21h heures et que la soirée vient à peine de commencer, dans un recoin de notre tête on se sent déjà aussi irrésistible que le fils d'Attila, en authentique Prince Charmant débridé, et l'on se met déjà à rêver d'une marche triomphale entre Budapest et Vienne au son d'une valse à peine altérée par le bruit des tambours, avec une fin heureuse de type "et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants". Un véritable conte de fées nous attend. Vive les as !!! On en redemande. J'appelle cela l'effet Cendrillon.

Avec les as en main, tout est évidemment plus simple. Certes, il faut savoir encaisser un petit bad beat réglementaire de temps en temps. Certes, il faut savoir les coucher post flop lorsque ça sent le roussi et qu'il faut évacuer à regret le château féérique en proie aux flammes. Mais Dieu qu'on se sent fort, avec cette main légendaire qui nous permet de monter des tonnes de jetons en début de tournoi face à des pâles adversaires. Sauf qu'à la vérité, ce type de soirée avec démarrage en fanfare les as en main réserve inévitablement son lot de déconvenues tardives. Plusieurs heures plus tard. Dans des moments autrement plus importants qu'un banal début de tournoi. Car derrière le bruit des tambours se love en sourdine  sournoise celui des canons.

Il y a quelques jours, c'est de façon caricaturale que pareille déconvenue m'est arrivée. Une fois le feu d'artifice initial épuisé, ce sont bien les autres qui se sont mis à avoir les paires d'as en main. Dans les moments critiques du tournoi. Ceux qui comptent vraiment : dans le money time. Lorsque la table finale est à portée de clic. Là où en définitive cela importe vraiment de les avoir, ces satanés as, au regard des écarts conséquents induits par les paliers exponentiels s'agissant des places payées. Minuit passé et mon écran d'ordinateur affiche encore une constellation de tournois où je suis en vie avec un stack conséquent : super ! Sauf qu'à partir de ce moment-là, l'effet Cendrillon opère... dans sa phase dramatique. A chaque belle main de ma part, je tombe sur un adversaire qui a les as et qui met brutalement fin au bal. Perte logique du 20/80. Même déconvenue moins de cinq minutes plus tard. Puis, tant qu'à faire jamais deux sans trois... encore un adversaire qui nous éjecte manu militari avec ses as. Elimination ; élimination ; élimination. Fin du bal. 1h du matin. Frustration totale. Récolte de clopinettes et retour à la case citrouille. Tout ça pour ça.

Tout ceci pour dire que la bonne fortune ne se mesure pas d'une façon linéaire. A fortiori lorsqu'on a les as en main. Ce qui importe vraiment, ce n'est pas le nombre de fois qu'on va les toucher, mais bien le moment précis où on en hérite. Si comme dans la légendaire chanson de Téléphone "Cendrillon pour ses vingt ans est la plus belle des enfants. Son bel amant, le prince charmant, la prend sur son cheval blanc", vient le couplet où elle paye le tribut du retour de variance et se voit contrainte de céder les spotlights à la belle au bois dormant. Plus dure est la chute quand on n'y a pas été préparé.

Ne pas s'enflammer quand on a les as. A fortiori lorsque les enjeux sont encore faibles en début de soirée. Voilà un noble conseil que je peux donner aux apprentis princes charmants. Une fois l'aspect mathématique modélisé, le poker se résume à une affaire d'histoires plus ou moins heureuses, plus ou moins bien ficelées. J'ai perdu ma candeur virginale depuis bien longtemps et n'accorde plus aucun crédit féérique aux démarrages en fanfare, as en main. Car les plus belles histoires sont celles qui commencent mal et se terminent bien. Qu'on se le dise.


vendredi 18 décembre 2020

La moisson de clopinettes

Hier soir, j'ai connu une session poker un peu spéciale : j'ai fait une moisson de clopinettes. Mélange subtil de plaisir aux tables et de frustration s'agissant de la digestion.

En effet, je suis parvenu à atteindre les places payées dans la quasi-totalité des tournois que j'ai disputés, ce qui constitue une plaisante anomalie statistique. Lorsque l'on sait que les places payées ne sont atteintes que dans à peine plus de 10% des tournois que l'on joue, une telle performance relève a priori de l'exploit. Le problème, c'est que pour gagner sa pitance au poker, il ne suffit pas d'atteindre le top 10% d'un tournoi. Il faut aller plus loin. Bien plus loin, même. Parfois même finir dans le top 1% ne suffit pas à nourrir son homme. A la vérité, il est nécessaire de terminer dans le top 0.1% pour faire bombance. En d'autres termes, ce n'est qu'en atteignant des tables finales et des podiums que l'on effectue de belles récoltes. Dans le cas contraire, on aura vibré pour parvenir au final à ne glaner que des clopinettes sans saveur.

Hier donc, j'ai fini ma session dans le vert. Voyons le bon côté des choses : avoir les pouces vert décuple le plaisir du jardinage. Cela vient corroborer le sentiment empirique qui m'habite depuis quelques semaines : mon jeu du moment est manifestement bien en place. Sur le moment, cela permet d'éprouver un véritable plaisir du jeu à mesure que la soirée avance et que l'on repousse l'inéluctable élimination. La sensation d'avoir encore des jetons à l'approche du money time est vraiment plaisante à vivre, d'autant plus qu'elle est ressentie sur plusieurs tables à la fois. Dans de pareils moments, on en vient à espérer la victoire au moins dans l'un de ces tournois. La satisfaction de continuer à multi-tabler jusque tard le soir est vraiment grisante, c'est un fait. Et cela laisse augurer de belles performances prochaines si cette tendance se confirme.

Dommage...
Mais le poker est un jeu ô combien frustrant, qui ne régale vraiment qu'en de trop rares occasions. La sortie de piste est la règle tandis que la table finale demeure une exception. La victoire n'est quant à elle qu'une belle chimère. Alors voilà, comme tant d'autres soirs, mes espoirs de victoire se sont hier encore dissipés un à un sans que je puisse parvenir à récolter les fruits les plus juteux et les plus savoureux. La récolte du soir - qui aurait pu être miraculeuse avec un brin de réussite en plus - n'aura été au final qu'une décevante moisson de clopinettes, et je suis parti me coucher frustré d'avoir croqué dans des fruits au goût beaucoup trop acide car cueillis juste avant d'être parvenus à maturité. Pour le banquet et les agapes, on repassera un autre jour.

Voici donc comment on peut achever une session poker dans le vert tout en étant triste, à la limite de la crampe d'estomac. En ayant fait une moisson de clopinettes ! Et avec l'immense frustration de devoir clôturer sa session en se disant : "tout ça pour ça".

C'est le poker, bébé ! Il faut faire avec.

mercredi 2 décembre 2020

Songe onirique : un rêve de PLO8

La nuit dernière, à la faveur d'une longue et belle nuitée de sommeil, j'ai fait un songe insolite : un rêve de Pot Limit Omaha High-Low, ma variante préférée du poker, communément appelée PLO8. Je l'ai déjà évoqué ici précédemment à diverses reprises, mais il s'agit d'une variante peu pratiquée en France et dont les vrais spécialistes - compétents et assidus - se comptent sur les doigts d'une seule main (en exagérant juste un peu).

Pour ceux qui pratiquent une langue étrangère apprise sur le tard - prenons l'exemple classique de l'anglais - il est possible de rêver dans cette langue, mais les probabilités diminuent sensiblement par rapport à une personne totalement bilingue depuis la tendre enfance. Pour que pareille performance onirique consistant à rêver dans la langue étrangère soit possible, il est communément observé que cela nécessite a minima d'être régulièrement amené à penser en anglais. Pour celui qui ne pratique l'anglais qu'à dose homéopathique ou via un apprentissage bourratif (listes de vocabulaire ou livres de grammaire) il n'y a ainsi quasiment aucune chance que l'on rêve distinctement en anglais.

Il n'y a guère que les profanes pour croire que le poker est un jeu facile. Chaque variante nécessite en effet un raisonnement particulier poussé pour pouvoir dompter la variance générée par l'effet chance, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle bon nombre de professionnels ne se spécialisent que dans le seul Texas Hold'em. Etant curieux de nature et aimant papillonner intellectuellement parlant, je m'intéresse à toutes les variantes, et j'ai déjà répété plusieurs fois ici combien le PLO8 était ma variante de prédilection pour laquelle j'ai une tendresse toute particulière.

Celui qui se contente de calquer son raisonnement en variante sur ses acquis du Texas Hold'em commet une erreur car il s'agit d'un raccourci forcément trompeur, à l'instar de celui qui utilise un faux-ami en pratiquant une langue étrangère. Il y a quelques semaines, à l'occasion d'un des trop rares tournois de PLO8 à grosse dotation garantie sur Winamax, j'ai eu la possibilité d'observer avec effarement à ma table le comportement erratique et totalement à côté de la plaque de l'un des ambassadeurs de la marque au W. Lui, il ne rêvera pas de Pot Limit Omaha High-Low avant bien longtemps, c'est une certitude.

Pour en revenir à mon rêve de la nuit dernière - sujet principal de cet article - je me souviens être assis à une table de cash game PLO8 en live dans un casino un peu vieillot à l'ambiance feutrée, en étant le premier à miser deux fois et demi la blinde, avec une main un peu spéculative 6443 avec deux piques et deux trèfles (main correcte pour le high et plutôt bonne pour le low).  Le joueur suivant payait, de même que ceux situés au bouton et à la petite blinde, tandis que le joueur de grosse blinde habitué à disputer ses coups high variance (avec des pots systématiquement élevés) venait compliquer ma tâche en relançant conformément à mes craintes au maximum à la hauteur du pot. Et je me souviens parfaitement avoir effectué des calculs complexes de cotes mathématiques afin de savoir si je devais accepter de m'embarquer dans un pot aussi périlleux et rentrer dans un rapport de force avec une main aussi incertaine et avec de surcroit plusieurs joueurs restant à parler derrière moi. C'est d'ailleurs là le plus cocasse à mon réveil : j'avais encore les chiffres effectifs des montants engagés en tête, tandis que le décor ambiant était aussitôt volatilisé, englouti par les limbes de mon moi onirique... Tout juste me souviens-je de murs entoilés couleur carmin. Mais impossible de me remémorer du moindre détail précis se rapportant au lieu, à la table, au croupier au bien au profil physique de mes adversaires. Tout ou presque ne se résumait plus qu'à des calculs de cotes mathématiques au moment d'ouvrir les yeux. Quant à ma prise de décision finale, je ne saurai jamais laquelle a été prise dans mon aventure onirique, puisque je me suis réveillé sans que mon dilemme mathématique ait pu toucher à sa fin par un call, un fold ou un re-raise.

Une poubelle de luxe en PLO8
En transposant au poker le principe linguistique des rêves en langue étrangère évoqué en début d'article, j'en déduis aisément que je maîtrise bien le PLO8 en dépit du fait que mes sessions en ligne du soir soient minoritaires et systématiquement mixées avec du classique Texas Hold'em et du Pot Limit Omaha. De quoi me conférer un petit sourire amusé au réveil, mâtiné d'un sentiment diffus de fierté. J'aime mes rêves. Aussi parcellaires et insipides soient-ils. Qu'on se le dise.

Je pense PLO8... donc je rêve PLO8... donc je suis PLO8. Vous suivez ?


 

 

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Pour rappel, au PLO8 le pot est finalement attribué paritairement :

- à celui qui a la main la plus haute avec deux de ses cartes privatives

- ainsi qu'à celui qui a la main la plus basse avec là encore deux de ses quatre cartes privatives, à la condition que sa cinquième carte ne dépasse pas 8

Dans l'hypothèse où personne ne parvient à former de low, le pot revient dans son intégralité à celui ayant le meilleur high à l'abattage.

La gymnastique intellectuelle pour jouer les coups de façon appropriée dans cette variante nécessite donc des circonvolutions particulières !