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samedi 26 décembre 2015

Ma toupie

Chaque joueur a un profil qui lui est propre, avec ses qualités et défauts. S'il y a bien une qualité précieuse que je suis conscient de posséder, c'est un mental particulièrement solide pendant mes sessions jouées le soir derrière mon écran d'ordinateur. Ainsi, mon expérience de joueur compétitif à Guild Wars m'a permis de comprendre et d'incorporer tout un tas de processus mentaux afin de gérer au mieux les événements lorsqu'ils ne se passent pas du tout comme prévu et que la défaite semble poindre à l'horizon. Autant éviter la débandade, dans de pareils moments : il est complètement inutile de gamberger tant qu'il y a de l'enjeu, chaque coup perdu doit aussitôt être digéré, car ressasser c'est régresser. Mais la remobilisation n'est jamais facile.

A titre personnel, afin d'amortir les coups durs et de parvenir à maintenir un degré de concentration dans la continuité sensiblement plus élevé que celui de mes adversaires, je dispose d'un petit outil aux vertus miraculeuses : ma toupie. Lors de mon interminable table finale pour aller au Brésil, il y a un an et demi, elle avait d'ailleurs tourné non stop pendant une bonne partie de la nuit... Cette petite toupie en plastique azur bas de gamme obtenue dans une pochette surprise ne quitte jamais les abords de mon bureau, et entame parfois une danse pareille à celle d'un derviche tourneur adepte de Mevlana, en frôlant en permanence mon clavier, ce qui me permet de patienter pendant les coups lorsque l'action échoit à un autre joueur. Parfois, la rotation de la toupie est stable, et elle fait du surplace. Parfois, au contraire, en se déportant, elle va stopper brusquement sa rotation en heurtant mon clavier ou le tapis de souris, mais elle peut tout aussi bien choir du bureau, emportée par un élan mal maîtrisé : il s'agit alors pour moi de la rattraper avant qu'elle ne heurte le sol.

ma toupie

J'ai pris pour habitude de la faire tourner - souvent de façon inconsciente - lorsque je dispute des coups cruciaux, le plus souvent lorsque minuit est passé. Cela me permet de me détendre et de ne pas crisper mentalement (voire même physiquement) lorsque la roue du destin va oeuvrer contre moi et m'infliger un coup du sort. Cela a également pour vertu de m'aider à me recadrer aussitôt les rares fois où je commence à cristalliser un début de rancoeur contre un joueur en particulier à la table. En faisant tourner ma toupie de la sorte, j'évacue efficacement deux sources majeures de frustration : la malchance, d'une part, et les guerres d'ego, d'autre part. La toupie est définitivement mon bouclier anti-tilt ! En outre, ma toupie me permet de meubler passer le temps sans perdre ma concentration en fin de session, alors que j'enchaîne parfois les mains moisies et que jeter mes mains les unes à la suite des autres est la seule option raisonnable : autant ne pas sombrer dans l'ennui à de pareils moments.

les derviches tourneurs de Konya cherchant l'inspiration mystique

Nulle inspiration mystique, au final : la toupie constitue juste un moyen original de maintenir un certain degré de concentration et d'optimiser ma gestion mentale des fins de tournoi. C'est gratuit et ça peut potentiellement rapporter gros. Du moins, j'aime à le croire.


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