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mercredi 16 septembre 2015

Hold Up au BPT Lille

Il y a quelques jours - le 8 septembre - j'écrivais ici-même en conclusion de mon article au sujet de la confiance qui m'avait été accordée sur RankingHero : "A présent, je vais tâcher de faire en sorte que cette confiance se convertisse en une performance spectaculaire car il va falloir que mon compte rendu final soit digne de l'engouement suscité par ce concours. J'en suis capable. Je le sais." Il se trouve que la performance a bel et bien été au rendez-vous. Car j'ai réussi à atteindre la table finale du tournoi.


Une table finale

RankingHero ayant donc eu la riche idée de me choisir pour représenter ses couleurs suite au concours ludique qui était organisé sur le site en partenariat avec les Casinos Barrière, j'avais donc rendez-vous ce samedi 12 septembre avec le BPT Lille afin d'y disputer la 8ème et dernière étape du Barrière Poker Tour 2015. Ma mission était simple : débarquer au casino les poches vides (puisque n'ayant même pas à débourser les 570 Euros d'entrée) et en ressortir avec un magot conséquent. Il s'agissait pour moi d'une sorte de rédemption puisque l'an dernier j'avais gagné sur internet mon package pour ce même BPT Lille mais l'opérateur EuroPoker alors au bord du dépôt de bilan n'avait pas honoré son engagement et je m'étais retrouvé injustement privé de mon lot.

Ayant glané un sticker RankingHero il y a quelques mois de cela, j'avais pris le soin de le ramener avec moi. Bien m'en a pris : arrivé en fin de matinée au casino après un trajet en covoiturage sans encombre, je me heurte à un petit contretemps puisque le responsable des inscriptions m'annonce qu'il n'a pas de patch RankingHero à ma disposition, contrairement à ce qui était prévu. Peu importe, je suis venu avec mon sticker de secours et je le colle au moment même où je pénètre dans la salle où se dispute le tournoi le temps d'un week-end.

DAY 1 :

Je pénètre alors dans un autre monde. La vaste salle, assez obscure aux lumières tamisées bleues est déjà bien remplie. Le tournoi a débuté depuis quelques minutes à peine, et un rapide coup d'oeil à l'écran géant recensant les inscriptions me confirme mon impression : cette édition 2015 du BPT Lille est une réussite en termes de fréquentation puisque le nombre d'inscriptions approche doucement des 400.

L'enceinte dans laquelle se déroule le tournoi est plutôt belle, pour peu que l'on apprécie la semi-pénombre et les spots de lumière bleutée. Aucune fenêtre à l'horizon, on en oublie vite les notions de base telles que l'heure qu'il est ou bien le temps qu'il peut faire dehors. L'espace temps n'est pas le même qu'ailleurs. D'ailleurs, une croupière en prenant sa relève arrive en annonçant un « bonsoir » alors qu'il est 13h00. Difficile de lui en tenir rigueur sachant que nous sommes dans une salle obscure et que le travail de croupier est une activité à horaires complètement décalés. Toutefois, cette salle s'avère bel et bien agréable : température ambiante idéale, ventilation parfaite, et surtout : boissons, café, grignotages (chips, biscuits salés...) et sucreries à volonté. Il suffit de se lever pour aller piocher dans les réfrigérateurs des eaux gazeuses, des succulents smoothies et autres canettes de Red Bull pour ceux qui ont besoin d'un petit coup de boost. En un mot, le cadre est atemporel et agréable. En prime, le wi-fi est gratuit.

A la table, tout va très vite pour moi. A peine arrivé, je me mets à soulager les joueurs les plus fortunés de leurs jetons en trop. Tant et si bien que je me retrouve en excellente posture sans avoir besoin de rien faire de particulier. Et comme la table est conviviale, je m'y sens bien : un jeune nordiste plein de gouaille venu disputer ce tournoi avec quelques uns de ses amis me surnomme même Bill Gates, et entre bises aux copains et bluffs à son voisin de table il essaye en vain de cerner mon profil, ma provenance, ma profession. Je le laisse se perdre en conjectures... non sans lui soutirer quelques rondelles au passage. Je déploie un jeu solide mâtiné d'un zeste d'audace, en évitant soigneusement les deux joueurs qui me semblent les plus compétents, en y allant en douceur avec les serrures et en contrant les bluffeurs. Une tactique simple et efficace puisqu'à la fin de ce day 1 B, la moitié des joueurs ont été éliminés tandis que j'ai déjà plus que triplé mon tapis de départ. Et je n'ai même pas encore mis mon t-shirt fétiche ni même mon chapeau magique qui m'accompagne lors de mes sorties live : j'ai l'air de Monsieur Tout le Monde. Seul mon petit sphinx trônant sur ma grosse pile de jetons trahit mon côté atypique. Il est 19h30 le day 1B s'achève. La vie est belle.
 
J'entraperçois quelques figures du circuit au passage – joueurs professionnels et sponsorisés – (Brian Benhamou, Céline Bastian, Abou Sy, Laurent Polito, Jean Montury, Nicolas LeFloch pour ne citer que ceux-là) mais je n'ai aucun complexe. Deux millions de mains disputées en un peu plus de deux ans de pratique online : je sais que je suis aussi bon sinon meilleur qu'eux. Tout du moins sur le plan technique.

DAY 2 :

Le day 2 reprend dans la foulée à 21h en regroupant les survivants de la veille (ceux du day 1 A qui ont joué vendredi soir et ceux du day 1B tels que moi). Un passage express par l'hôtel pour une douche histoire d'évacuer la pression et de rester frais et me revoici prêt à aborder ce day 2 dans de bonnes conditions. Il reste à peine 157 joueurs sur un total de 401 inscrits.

Le chevalier blanc
Dès l'entame de ce day 2, j'ai à ma table un grand type dégingandé revêtu de son armure et de son heaume de tournoi : le sweat blanc et la capuche. A l'abri derrière son imposante forteresse de jetons, il se sent intouchable. Une sorte de chevalier blanc des temps ludiques. Un ersatz de mâle alpha du poker qui prend ses adversaires pour des canassons qu'il se doit de chevaucher en éperonnant à tout va. Je sens qu'il va relancer toutes les mains. Et c'est exactement ce qu'il fait : en quelques coups à peine son tapis prend encore plus de volume. Je décide alors de le prendre pour cible. Contrairement à beaucoup d'autres joueurs qui répugnent à affronter de face les mastodontes, je n'hésite jamais à mordre aux basques des cheap leaders. Et violemment. C'est risqué mais aussi potentiellement rentable de vouloir trancher dans le lard. Comme je ne suis pas venu pour faire de la figuration dans ce tournoi, je fonce en espérant trouver un bout de gras. En l'occurrence je tombe sur un os, puisque mon premier assaut d'envergure contre lui survient justement alors qu'il dispose d'une main légitime. Aïe. Mauvais timing, j'y laisse quelques dents. Le chevalier blanc finira cheap leader du day 2 quelques heures plus tard mais ça, je ne le saurai que bien plus tard, car en attendant la table casse et nos routes se séparent. Tout du moins provisoirement.

accident industriel
Nouvelle table, nouveaux adversaires, nouveaux enjeux. Et nouveaux soucis. Mon tapis est amoindri, mais toujours au dessus de la moyenne. Nous sommes encore plus d'une centaine de joueurs en course pour 54 placées payées. Sauf qu'à cette table-ci, je vais me prendre une petite catastrophe industrielle en bataille de blindes contre un joueur revêtu d'un pull d'hiver gris (au demeurant fort sympathique et compétent) qui fait brelan à la river avec un 2 fatigué auquel il s'est pourtant agrippé tout le long du coup tandis que je me voyais déjà beau avec mes deux barrels payés en ayant en main deux paires max à la turn sans possibilité aucune ni de quinte ni de river. Perdre un pot de trente blindes à ce moment là me met dans une situation problématique. Je glisse ainsi vers les profondeurs du classement tandis que nous ne sommes plus que 80 joueurs environ. Ca va être pour moi le début d'un long, très long chemin de croix.

Brian au tapis
La zone rouge approche avec l'inexorable augmentation des blindes. Je vais surmonter cette situation délicate à une autre table en compagnie de Brian Benhamou – le joueur PMU - qui est encore plus mal en point que moi alors que nous avons les places payées en ligne de mire. Je me dois de dire un mot sur Brian. Il représente tout ce que j'aime chez un joueur de poker : en sus de savoir tenir les cartes, il respire la sympathie. Brian est également courtois, souriant et agréable à une table. Même poussé dans ses derniers retranchements, il ne se départit pas de sa bonne humeur communicative. C'est une qualité rare chez les professionnels. Le hasard des tables qui cassent fait que je suis contraint de changer de table pour la 5e fois de la soirée et je n'assisterai que de loin à l'élimination de Brian aux portes des places payées, en 57e position.

LA BULLE :

Kenny à ma gauche
La bulle arrive alors aussitôt. Il reste 6 tables. Nous sommes 55 et je suis au plus mal avec ma douzaine de blindes. Il n'y a pourtant que 54 places payées. Pas une de plus. A ma table, deux personnes attirent immédiatement mon attention : à ma gauche Kenny, un beau gosse d'une vingtaine d'années au sourire ravageur vêtu d'un classieux costume qui jouit d'un tapis extrêmement confortable et qui manipule ses jetons avec la maestria d'un pianiste sur son clavier. Et à ma droite Luc, un quadragénaire belge disposant d'un peu moins de 10 blindes, avec de faux airs d'un Jean-Pierre Bacri le sérieux en plus. Je sens confusément que la bulle risque d'éclater ici-même. Reste à savoir si je serai acteur ou simple spectateur.

Unlucky Luc à ma droite
Luc le short stack envoie son tapis une première fois, mais personne ne le paye. Il montre les as et ramasse des clopinettes. Le main par main reprend. Un tapis est payé à la table voisine, mais le joueur sur la sellette remporte le coup et le manège reprend. Trois mains plus tard, le beau Kenny effectue une relance standard en début de parole. Luc le short stack envoie de nouveau son maigre tapis. Kenny hésite, d'un air amusé, sachant qu'il est derrière et tentant de calculer sa cote mathématique face à ce qui ne peut être qu'une premium en face. Il annonce : « bon, bah... euh... je vais jouer mes deux cartes ». Il call avec dame dix de cœur. En face, encore les as. Et là, c'est le drame à la river, avec une quinte improbable qui permet aux 54 survivants dont je fais partie d'avoir l'assurance d'empocher un gain minimum de 1 150 Euros. 3h00 du matin. Nous disputons encore 3 mains et puis c'est officiellement la fin du day 2.

DAY 3 :

Céline, toi et moi c'est quand tu veux !
Une fois parvenu à l'hôtel, je m'endors rapidement. Je rêve que je me fais éliminer dès les premières mains du day 3, ce qui aurait du sens au regard de mon tapis devenu minuscule. Néanmoins, sachant que mes rêves ne se réalisent jamais, je suis étonnamment serein à l'entame de cette dernière journée.. Un regard au tableau lumineux me permet de constater l'ampleur des dégâts : je suis classé 50e sur 53 survivants. Mais je suis serein, car mes rêves ne sont jamais corroborés dans la réalité. Une certaine forme d'insouciance s'empare de moi dès la reprise des hostilités à 13h. Je gagne deux coups importants qui me permettent de sortir de la zone rouge et me revoilà revenu dans le cœur du peloton, à l'abri du vent. Mon sphinx dispose à nouveau d'une tour digne de ce nom sur laquelle il peut trôner en gardien attentif et féroce. La vie est de nouveau belle pour moi. Les éliminations, c'est pour les autres. J'enfile mon sombrero de cuir et je déploie mon jeu habituel. Les deux dernières filles encore en lice, la magnétique Céline Bastian et la vénérable Marjolaine sont éliminées coup sur coup si bien qu'il n'y a plus de filles parmi la trentaine de survivants.

Le Dragon gris
Alors que nous ne sommes plus qu'une quinzaine de prétendants encore en lice pour la victoire finale et que je ne suis pas loin de la moyenne, j'assiste à la livraison la plus incroyable qu'il m'ait été donné de voir : un corbeau mal luné et un dragon gris se lancent dans une escalade sans fin à base de relances, sur-relances, et sur-sur-relances : ils commencent le coup avec 50 blindes chacun. Et le corbeau termine le coup avec 1 ante tandis que le dragon gris passe à 100 blindes. Deux millions de jetons. Le total du tapis de départ de 40 joueurs... l'équivalent de 20.000 euros en valeur absolue. Donnés. Offerts. Sacrifiés en offrande au dragon gris sur l'autel de l'inconscience, sous nos yeux de sectateurs ébahis. On avait pas vu sacrifice plus stupide depuis Stannis Baratheon sacrifiant sa fille unique sur le bûcher du Dieu du Feu en échange de la promesse d'une hypothétique victoire sur le champs de bataille.

Le dragon gris me semble alors rassasié et repu. Presque assoupi. Il termine d'ériger son gigantesque mur de jetons et se met alors à envoyer du texto à tout bout de champs à ses copains. C'est le moment d'aller lui prélever en douceur quelques échantillons de jetons pendant que sa concentration et son appétit sont au plus bas. Malheureusement, je me prends un souffle de dragon en pleine face. Et pas que son souffle, d'ailleurs. Mon nez souffre autant que mon stack dans cette opération, aussi je décide de battre provisoirement en retraite : la diminution du nombre de survivants à la table me permet ainsi de m'éloigner de ses effluves. Seul le pauvre croupier en pâtit, mais il reste stoïque, en véritable professionnel qu'il est.

La pré-table finale va se jouer à 10 et le tirage au sort m'éloigne alors du dragon gris. Mais pas des ennuis. A ce moment là, j'y crois encore, d'autant que tous les habituels cadors ont été éliminés depuis belle lurette (ils sont partis se consoler en allant disputer le tournoi Masters) et que nous ne sommes plus qu'entre joueurs lambda. A part Dmitrijs le letton – qui est un joueur aguerri de cash game - j'ai l'impression que personne ne parle aussi bien que moi la langue du poker à la table. Il me manque juste un peu de matière première pour pouvoir composer une chanson de geste à même de traverses les âges : des jetons. J'en manque cruellement puisque je suis 8e sur 10.

Je vois d'ailleurs réapparaître à ma droite le chevalier blanc de la veille, mais il est désormais bien inoffensif. Il a enlevé son heaume. La capuche ne le recouvre plus entièrement. Je le sens fatigué. Il ferait une parfaite cible pour moi. Oui mais voilà, je ne reçois aucune main me permettant d'attaquer qui que ce soit. Et la seule fois où je tente un move, je me fais confisquer une part substantielle de mon tapis par l'étonnant letton. Je me retrouve affaibli au plus mauvais moment. C'est toutefois non sans une pointe de satisfaction que j'assiste à la mise à mort de Fathi le chevalier blanc lors d'un duel à la vie à la mort avec l'autre short stack de la table, un poil de carotte du nom de Steve.

TABLE FINALE :

La vraie table finale à neuf va pouvoir commencer, juste après une petite pause d'une heure environ. La table finale démarre donc à 20h30. J'ai du mal à m'accommoder à mon siège à roulettes et à cette table aux accoudoirs surélevés. Et puis je n'aime pas les feux des projecteurs. Ni au sens propre ni au sens figuré. J'ai d'ailleurs dû refuser poliment mais fermement à trois reprises la demande d'interview de Louloute62 l'animateur de la RPDS – plein de bonne volonté il est vrai - qui a essayé de me faire croire que son interview était pour RankingHero. Un beau bluff de sa part, mais qui n'est malheureusement pas passé.

Lors du concours que j'ai remporté il y a une quinzaine de jours sur RankingHero, j'y racontais que je me retrouvais en table finale de ce BPT Lille et que je parvenais à passer un bluff de légende. Je dois avouer que lorsque je me suis assis en table finale, l'idée m'a traversé l'esprit de tenter un tel bluff si je recevais ces mêmes cartes (en l'occurrence un 10 et un 2).

Ma situation à l'entame de la table finale est toutefois bien trop critique pour bluffer. Avec moins de quinze blindes, je n'ai droit à rien : ni à l'erreur ni à la malchance... et encore moins à un bluff fantaisiste, sauf à être inconscient. Impossible de déployer mon jeu comme je le voudrais car les grosses plaques de 100.000 jetons, elles sont chez mes adversaires. Moi je me contente des maigres rondelles. Et c'est extraordinairement frustrant. Mon destin ne m'appartient plus.

Damoiseau
Au bout d'une demi-heure de table finale et alors que je n'ai pas encore pu bouger une oreille, le damoiseau - le plus jeune des neufs finalistes - tente de bluffer dragon gris, mais ce dernier le réduit en cendres avec un hero call des familles (il paye son tapis overpot turn avec 4e paire alors que damoiseau n'a rien touché du tout). Entre gros bluffeurs, forcément, ils se comprennent. Enfin pas tant que ça, car damoiseau rouspète de s'être fait payer dans de telles conditions. Moi, ça m'arrange ! Un palier de franchi sans rien avoir à faire. C'est beau. Mais c'est insuffisant, je sais qu'il va falloir forcer mon destin. L'occasion se présente quelques minutes après, mais le coin flip ne passe pas et je suis éjecté de cette table finale par le placide Alain, futur vainqueur de l'épreuve...


Je termine donc 8e sur 401 participants. Même si je mesure la quantité de chance qu'il m'a fallu avoir pour en arriver là, je suis davantage frustré que ravi. Je quitte la table et vais chercher mon gain. 4 600 Euros payés en cash, avec un panachage de billets (500-200-100-50-20 et même 10). Je bois un dernier smoothie en ruminant ma peine, et je trouve en quelques minutes un covoiturage sur internet grâce au wi-fi. Le sympathique conducteur se propose même de venir me chercher juste devant l'entrée du casino. Tandis que je l'attends, j'assiste à une scène assez incroyable juste devant l'entrée de l'établissement. Un jeune flamand à peine sorti du casino avec ses quelques comparses se met à smurfer ventre à terre sur le sol afin d'épater la galerie. Je sors de ma bulle en quittant l'enceinte du casino. Il est minuit pile. Un week-end d'un autre monde s'achève. Je ne suis pas tout à fait riche. Mais plus tout à fait pauvre.

Merci RankingHero. Merci Dame Chance. Et merci à mes lecteurs qui ont cru en moi.

Bravo Alain !

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