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dimanche 28 juillet 2013

TILT !



Au poker, il y a une qualité essentielle que peu de gens possèdent : le contrôle de ses nerfs. En cours de partie, il est possible d'avoir les nerfs soumis à rude épreuve essentiellement dans deux cas de figure : la perte d'un énorme pot, d'une part, et la provocation émanant d'autrui, d'autre part. Le résultat, c'est que l'émotionnel prend alors le pas sur le rationnel. C'est ce qu'on appelle communément au poker "faire TILT". A l'image d'un flipper que l'on bouscule un peu trop fort en cours de partie et qui se déconnecte, faisant perdre automatiquement la boule au joueur, en guise de sanction suprême.

Lorsqu'un joueur perd un gros pot, et que de surcroît il considère que cette perte est injuste, il y a un phénomène étrange qui peut parfois survenir : un début de crispation et l'envie de compenser cette perte par un gain immédiat, si possible contre le même adversaire afin de le "punir" pour la perte injuste qu'il vient de se voir infliger. Et si cette attente n'est pas immédiatement comblée, cette crispation se mue en énervement et son style de jeu se délite complètement, de telle sorte qu'il aura alors toutes les chances d'accroître ses pertes... car il ne contrôlera plus son jeu sur des critères rationnels, submergé qu'il est par ses émotions devenues trop fortes à contenir. Son style de jeu deviendra alors ultra agressif. C'est un peu comme une machine qui surchauffe et qui s'emballe : tout le monde n'a pas le réflexe d'appuyer sur le bouton d'arrêt d'urgence. Même des joueurs extrêmement expérimentés se laissent prendre au piège du TILT après avoir subi un coup dur !

Il y a des joueurs qui savent exploiter toutes les failles chez leurs adversaires, y compris les moins nobles. Cela passe par une séquence de trash talk (provocation verbale). Il est possible de faire sortir un adversaire de ses gonds en lui assénant un flot continu de remarques discourtoises et désobligeantes, voire même (dans les cas les plus extrêmes) des insultes gratuites. Le but est bien entendu de faire déjouer son adversaire en lui effritant le mental. Malgré le côté primaire de ce procédé, il s'avère parfois payant. Car le joueur qui a été délibérément raillé par le provocateur va avoir une envie de punir le fautif... et le plus vite possible. En conséquence, il va rentrer dans plus de coups qu'il ne devrait, et multiplier ainsi ses chances de perdre. Personnellement, je ne trouve pas cela choquant de pousser les adversaires à la faute... Cela fait partie du jeu. La dimension mentale est même prépondérante, à bien y réfléchir. En de très rares occasions, il peut d'ailleurs m'arriver de pratiquer moi-même une certaine forme de trash talk, en mettant l'accent sur l'ironie (jamais les insultes car je suis un gentleman) : je le fais uniquement lorsque j'ai repéré à la table une forte tête qui elle-même use du procédé.

On le voit, le TILT au poker constitue une réponse maladroite à ce que l'on considère comme une sorte de provocation : provocation du destin qui nous a faire perdre un pot injustement, ou provocation venant d'un joueur qui nous a exaspéré de par son comportement. Dans un cas comme dans l'autre, le résultat est le même : on réduit considérablement ses chances de succès. Le TILT est une situation extrêmement inconfortable, car à bien des égards incontrôlable et pouvant survenir à n'importe quel moment. La solution consiste donc à savoir faire preuve de patience et d'humilité. Ou alors à avoir beaucoup de chance très rapidement, ce qui aura le don de désamorcer le processus... Mais inutile de rêver : dans la grande majorité des cas, c'est la débâcle.

A titre personnel, j'ai la chance d'être à l'abri des ravages du TILT : d'une part, je maîtrise plutôt bien mes émotions et il est rare que j'aie envie de sanctionner un adversaire (lorsque cela arrive, je sais me montrer très patient). Et d'autre part, je ne joue pas en mode cash game, puisque je joue quasi exclusivement des tournois et qu'en cas de TILT (ce qui ne m'arrive pour ainsi dire jamais) la perte est limitée aux frais d'inscription du tournoi. Le contrôle de ses nerfs constitue une qualité rare, complètement indépendante de la notion de compétence, et qu'il est difficile de faire progresser avec le temps et l'expérience. On l'a ou on ne l'a pas. J'ai la chance de l'avoir. Tant mieux pour moi.





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