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jeudi 13 décembre 2018

L'esprit embrumé

De temps à autre, il m'arrive de faire une micro-sieste de quelques minutes (15 à 30 tout au plus) avant de débuter ma session du soir. Avec l'expérience, j'ai pu constater que le recours à ce reboot cérébral n'avait pas d'incidence négative sur mes performances aux tables de poker. Néanmoins, lorsque c'est le cas, je veille à bien faire en sorte de commencer ma session en mode piano sans prise de risque d'aucune sorte pendant la première heure de jeu, histoire de ne pas être amené à prendre des décisions cruciales quant au déroulement de mes tournois alors que mon cerveau n'est pas encore parfaitement fonctionnel. Car inévitablement, j'ai alors l'esprit légèrement embrumé pendant quelques minutes. Il s'agit toutefois d'un investissement qui peut s'avérer profitable dans certains cas. Car avec un peu de chance, ces instants de repos que je me suis accordés en prémisse de soirée auront pour effet potentiel d'accroitre mon endurance et mon degré de vigilance en toute fin de session, si tant est que je parvienne à être encore en course dans un ou deux tournois avec quelques belles récompenses en ligne de mire.

Photo : Marine Cessat-Bléger
Toutefois, il est des cas où la sieste en préambule de session poker peut s'avérer source de confusion durable, de nature à déliter complètement ma session à venir. Ce cas de figure survient lorsque la sieste quitte le statut de "micro" pour atteindre le stade de "macro" et dépasse l'heure complète de sommeil. A ce moment-là, le cerveau est substantiellement impacté par Morphée, et le fait d'avoir atteint le stade du sommeil profond devient alors un handicap débilitant pour plusieurs heures. C'est bien simple, dans ces moments-là, mon cerveau est durablement embrumé. Se lancer dans une session poker devient alors un exercice mental difficile. L'expérience m'a là encore permis de vérifier à diverses reprises que les sessions poker faisant suite à une trop longue sieste sont inévitablement émaillées d'erreurs imputables à un effet de décalage horaire express. Je me suis ainsi senti à diverses reprises aussi confortable que le bûcheron qui réalise qu'il coupe la branche sur laquelle il est assis. La chute s'avère alors presque toujours douloureuse, surtout si l'arbre est de grande taille.

Ce mercredi 12 décembre, me sentant plus fourbu qu'à mon habitude car légèrement souffrant et ayant par ailleurs très peu dormi la veille, j'avais décidé de m'accorder une micro-sieste en fin d'après-midi... sauf que ladite sieste aura été d'une durée supérieure à deux heures !! Et le réveil sur les coups de 20h a été particulièrement pénible, car j'étais entré dans une phase de sommeil profond : un vrai sommeil de plomb dont je ne me suis que difficilement extirpé. J'ai immédiatement senti que mon cerveau serait embrumé pour une bonne partie de la session poker : dans de telles conditions, vouloir transformer le plomb en or aux tables de poker relevait de la gageure. Le simple fait de lancer ma session a nécessité un effort de volonté inhabituel, mais puisque le mercredi est traditionnellement une soirée avec pas mal de petits tournois sympathiques intéressants à jouer, je m'y suis quand même résolu, en allégeant toutefois sensiblement mon programme habituel. Cela m'a permis de jouer d'un oeil distrait, presque vitreux, sans trop d'enjeux, tandis que je suivais en fil rouge un match de football avec la même alacrité qu'une vache regardant passer les TGV.

Jouer au poker en ayant l'esprit embrumé constitue définitivement une mauvaise idée, et ce mercredi, ma prise de plaisir aux tables des tournois que j'ai disputés aura été minimaliste. La session ne s'est pas vraiment mal passée : elle a juste été moyenne et quelconque, sans éclat ni relief. Et ce jeudi matin, peu après mon réveil, tandis que je marchais dans la froideur hivernale et que je regagnais enfin la pleine possession de mes moyens, j'ai songé à tous ces joueurs de poker professionnels qui arpentent les quatre coins de la planète afin d'aller disputer les plus gros tournois live. Je me suis dit que nombreux devaient être ceux à commettre des erreurs aux tables en raison du jet lag, a fortiori si leur arrivée à destination était toute récente de la veille. Suite à cette réflexion salutaire, je me donc promis, si j'avais de nouveau la chance de prochainement disputer un tournoi loin de mes bases - comme lors de cette incursion aux WSOP de Las Vegas en juin 2015 - de ne jamais démarrer une telle compétition de poker sans m'être donné au minimum 48h de recalage cérébral. Cela me semble constituer un délai minimal de sécurité pour ne pas être impacté négativement aux tables de poker. Surtout avec d'aussi gros enjeux. Chaque détail peut compter. En attendant que ce jour béni revienne, je me contente de petites siestes occasionnelles à la maison... les plus courtes étant définitivement les meilleures.


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