15.000 jetons au départ pour 1.500 USD |
Il y avait environ 7 500 participants au Monster Stack des WSOP 2015 qui se disputait au Convention Center du Rio. J'étais l'un des 28 français arborant le logo vert du PMU. En guise de bonus, j'avais choisi de démarrer cette première journée avec un T-Shirt aux couleurs du PSG couplé avec mon habituel chapeau péruvien, quand bien même les deux n'aillent pas naturellement de pair. Afin de veiller sur mon pécule, j'avais emmené avec moi ma petite figurine de sphinx qui complète désormais ma panoplie lors de mes tournois live. Nous avons démarré le tournoi ce samedi 13 juin à 10h du matin précises avec un tapis de départ de 15.000 jetons.
Une entame de tournoi pourtant prometteuse... |
Après avoir sorti deux adversaires en adoptant en ce début de tournoi un jeu solide dépourvu de toute fantaisie inutile, mon tapis atteint son acmé de la journée vers les 16 heures : je trône alors sur un matelas de 45.000 jetons alors que la moyenne n'est même pas encore à 25.000 jetons. Ma petite figurine en forme de sphinx irrité trône littéralement sur mes gros jetons tel un gardien de tombeau royal. Cette figurine fait d'ailleurs merveille en ne manquant pas de susciter curiosité, intérêt... et crainte de la part de mes adversaires américains. D'ailleurs, l'un des joueurs assis à la table hésite un moment à vouloir me l'acheter, persuadé que la figurine me porte chance, avant de devoir y renoncer à la suite de son élimination prématurée. Bye.
Mais cet excellent démarrage de ma part va vite se muer en gros passage à vide en fin d'après-midi : je perds consécutivement plusieurs petits coups sans rien pouvoir faire en raison de textures de flops particulièrement défavorables et de surcroit peu propices au bluff. Une croupière - fort sympathique au demeurant - est demeurée à ma table
trois longues heures d'affilée sans que je ne parvienne à remporter une
seule main si l'on excepte une mise sur laquelle tous mes adversaires se
sont couchés et qui ne m'a donc rien rapporté. C'est dire à quel point ce fut pénible. Du coup, mon sphinx commence à s'enliser quelque peu, ma pile de jetons diminuant lentement mais régulièrement, heure après heure, sans que je ne parvienne à stopper le processus d'ensablement. Je demeure malgré tout patient, toujours à l'affût, prêt à profiter de la moindre faiblesse ou fatigue adverse.
Sur les coups de 22 heures, notre table casse et me voilà contraint de changer de salle tout comme une centaine d'autres joueurs encore en lice dans cette salle White Pavillion pour aller retrouver le gros des troupes dans la désormais mythique salle de l'Amazon Room où se trouve la table télévisée. Tant mieux, me dis-je alors, car je commençais à sentir le goût du sable et de la poussière dans ma bouche déshydratée. Il me reste alors deux heures devant moi pour éviter la momification et retrouver une zone de confort, la journée marathon devant s'achever peu après minuit pour aller se reposer à l'hôtel. Je dois donc prendre des risques et prier pour qu'ils s'avèrent payants.
Mon élimination du tournoi survient malheureusement sur les coups de minuit, à très exactement dix minutes de la fin de la première journée sur un 50/50 préflop perdu contre un joueur qui rentrait dans beaucoup de coups (as-dix contre paire de six) après avoir enduré une disette de plusieurs heures d'affilée sans toucher de jeu. Je finis donc aux alentours de la 2.300e place. Ma fin de tournoi aura juste été atroce, puisque vécue sous la forme d'une lente agonie. C'est relativement frustrant d'avoir passé près de trois heures privé de jeu et dépourvu de marge de manoeuvre coincé sous la zone des 20 blindes. On se déshydrate toujours bien plus rapidement qu'escompté lorsque l'on entame une traversée du désert... même avec une réserve d'eau que l'on estime suffisante. Je commence en outre à penser qu'as-dix constitue décidément la main avec laquelle je perds certains de mes tournois les plus marquants. Je ne suis pas fétichiste mais je commence à croire que cette main me joue systématiquement de vilains tours.
C'est à demi-hébété que je quitte le Rio et décide de rentrer à pied au Palazzo afin d'évacuer au mieux mon amertume. Rentrer à pied constitue une gageure lorsque l'on sait à quel point Las Vegas est l'ennemie des piétons, certains rues et artères étant impossibles à arpenter à pied, la part belle étant faite aux véhicules et certains trottoirs se terminant de façon parfois aussi brutale qu'une élimination de tournoi de poker. Après une demi-heure de marche chaotique à repasser le film de mon tournoi sans trouver grand chose à redire sur mon jeu, je parviens enfin à déjouer le piège sournois tendu par les trottoirs disparus par intermittence et à rejoindre le Las Vegas Boulevard, l'une des seules avenues propices aux déambulations des piétons. La fête y bat son plein, les californiens délurés ayant rejoint les touristes à la faveur du week-end.
Tandis que je célèbre les funérailles de mon tournoi en marchant d'un air grave sur le boulevard, les gens que j'y croise me paraissent donc tout particulièrement joyeux et festif, grisés par l'alcool, littéralement ensorcelés par la liesse urbaine, excités par la sur-oxygénation des casinos et dopés par l'adrénaline que leur procure la ville du jeu. Il fait encore 30 ou 32° malgré l'heure tardive. Certains ont manifestement bu plus que de raison dans la chaleur de la nuit. Il faut dire qu'à Las Vegas, pour peu que l'on soit affairé à
jouer dans un casino, des serveurs zélés se pressent tous les quarts
d'heure pour offrir gratuitement la boisson de son choix au joueur : il suffit
juste de leur glisser un dollar de pourboire à chaque passage pour que jamais le flot ne
se tarisse et que l'on puisse boire jusqu'à plus soif.
Je croise ainsi à plusieurs reprises des duos ou trios de jolies américaines fortement alcoolisées en train de zoner sur place, et me dis alors que si j'avais eu l'âme d'un prédateur, j'aurais pu sans peine aucune batifoler avec ces proies californiennes aussi belles que fragiles dans ma luxueuse suite au Palazzo et siphonner de la meilleure des manières quelques unes des bouteilles d'alcool dont regorge le mini-bar.
A mon arrivée à l'hôtel, seul, vaincu, je me fais couler un bain et décide d'accrocher sur la porte de ma chambre le panneau "ne pas déranger". Puis, je m'enfonce dans les draps trop larges de mon lit King Size et glisse alors dans un sommeil de plomb. Je ne verrai pas du tout la journée de dimanche, puisque je vais ainsi végéter dans ma chambre jusqu'au lundi matin.
Alexandrie, Alexandra... a plus d'appétit qu'un barracuda (source : PMU) |
Au poker, la variance est telle qu'il convient de ne pas se focaliser sur un seul tournoi car la vérité d'une épreuve n'est qu'illusion et mirage au regard de la réalité et du niveau intrinsèque des uns et des autres. Des 28 joueurs PMU inscrits, seule Alexandra Petitjean est parvenue à rallier les places payées. C'est dire à quel point ce tournoi fût compliqué pour l'ensemble du contingent français. Cela ne veut pas dire que nous étions mauvais, loin s'en faut : c'est juste que la variance n'avait pas décidé de se montrer favorable au PMU lors de ce tournoi. Mais j'ai beau le savoir pertinemment et l'avoir intégré à mon processus de réflexion depuis belle lurette, ma sortie de tournoi m'a éprouvé mentalement. Car ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de disputer les championnats du monde de poker.
Après avoir enduré une longue et éprouvante traversée du désert, après
s'être retrouvée enfouie sous les sables du Nevada, après avoir mordu la
poussière, voici qu'une momie nommée Fredyl repointe le bout de son
nez. J'ai retrouvé un peu d'entrain pour le poker, après plus de deux mois complets d'abstinence. Hier, à l'occasion d'un petit ménage dans mon bureau, j'ai jeté à la poubelle mon badge WSOP 2015 ainsi que le petit carton de mon tournoi qui contenait pourtant quelques infos anecdotiques telles que mon numéro de table. Et bizarrement ce matin, j'ai enfin retrouvé un semblant d'inspiration pour rédiger ce petit article. Preuve en est que j'avais encore besoin d'évacuer un reliquat de frustration avant de repartir du bon pied.
Un vrai plaisir (bien trop rare) de te lire.
RépondreSupprimerPlaisir partagé bien sûr et qui me renvoie des souvenirs de ce Vegas 2015 également !
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