Par ici la sortie... |
Comment survient cette sensation atroce de petite mort à la suite d'une élimination ? Un premier élément de réponse a déjà été livré dans le précédent paragraphe : les moments de spleen extrêmes suite à une sortie de route en tournoi surviennent lorsque se combinent plusieurs paramètres ; il faut tout d'abord ressentir de l'excitation du fait de l'enjeu, avoir placé beaucoup d'espoir dans ledit tournoi, s'être laissé envahir par le parfum enivrant de la victoire avant l'heure, au point de se croire en mesure de vaincre l'adversité pour in fine figurer tout en haut du classement final et repartir avec les gains significatifs qui vont avec. En ce sens, avec le recul je suis en mesure de dire que ce phénomène est le fruit d'un décalage temporel entre la croyance de pouvoir décrocher la timbale et les chances effectives d'y parvenir. Le poker étant un jeu où la chance joue un rôle prépondérant, se hasarder à espérer une victoire de toutes ses forces aura toutes les chances d'engendrer un contrecoup émotionnel brutal lorsque la dure réalité de ce jeu dissipe soudainement les illusions de victoires. Attention donc à de tels retours de flamme lorsqu'on se retrouve projeté dans le feu de l'action. Dans de tels moments de détresse, on
peut alors dans les cas les plus impactants se retrouver soumis à un désir irrépressible de bazarder la
suite de ses tournois.
Cette émotion poignante, ce sentiment d'infinie tristesse, cette petite mort est tout à fait humaine. Ce n'est pas pour autant qu'il ne faut passer essayer de la combattre, ou tout du moins d'en limiter l'impact. Car à long terme, devoir subir la petite mort sans entrevoir la moindre solution pour en atténuer les effets constitue indéniablement un point de vulnérabilité pour les joueurs de poker. Car on a alors toutes les chances de s'éloigner considérablement de son A-game pendant le délai de viduité. Le remède au problème est pourtant assez simple, mais il doit être appliqué de façon préventive et non curative. Pas d'affect ! En évitant autant que possible de se mettre la pression sur un tournoi donné on en évitera les effets secondaires délétères. Accepter que l'on ne contrôle pas son destin sur le court terme, quel que soit notre niveau.
Ne disputer que des tournois que l'on peut se permettre de perdre sans se sentir affecté... telle est la solution générique. Dans le détail, parvenir à ne pas mettre d'affect dans ses tournois revêtira deux formes distinctes selon que l'on joue en live ou en ligne. En live, il faut savoir profiter de l'événement dans sa globalité, à l'image d'une aventure, en incluant le plaisir l'aspect touristique lorsque l'événement a lieu loin de ses bases, en profitant de chaque instant vécu, de chaque goulée d'oxygène avalée, de chaque moment de convivialité ou de tension vécu à sa table de jeu. De la même manière qu'un homme ne doit pas angoisser à l'idée de la mort sous peine de se gâcher la vie, le joueur de tournoi live doit vivre son tournoi comme un présent merveilleux plutôt que comme un cadeau empoisonné, et cela quelle qu'en soit l'issue. En ligne, la solution adéquate est un peu plus simple : il convient de veiller à ne pas inclure dans sa session un tournoi aux enjeux financiers sensiblement supérieurs aux autres... en d'autres termes résister autant que faire se peut à la tentation de se faire un shoot d'adrénaline si l'on ne le vit pas comme un éphémère moment de plaisir.
Ne pas mettre d'affect dans ses tournois. Un remède simple et efficace contre le spleen de la petite mort. Une décision qu'il faut savoir prendre en amont, souvent difficile à mettre en oeuvre lorsque l'on aime passionnément le poker. Même s'il est vrai que le jeu constitue le sel de la vie pour nombre d'entre nous, devoir subir les affres de la petite mort trop souvent engendre des effets secondaires négatifs. Aussi, dans le mesure du possible, j'essaye de me plier à cette règle qui confine parfois à l'ascétisme. Savoir mixer plaisir et rigueur. Une véritable gageure. Mais qui permet de faire des vieux os.
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