En décembre 2014, j'avais été contraint - comme beaucoup de joueurs victimes de la faillite d'Euro Poker - de déclarer ma créance auprès de Maitre Danguy, mandataire judiciaire à la liquidation d'Epmedia France, la société commerciale qui gérait la marque Euro Poker. Il m'a fallu un temps considérable pour pondre une déclaration aussi précise et exhaustive que possible, à hauteur de 4 437 Euros. Avec en prime la bagatelle de 15 annexes, histoire de blinder mon propos et de rendre mon dossier aussi complet que possible. J'ai donc reçu il y a quelques jours à peine sa réponse à ma déclaration de créance.
le fleuve Okavongo se perd dans le désert |
Il est particulièrement irritant de
penser que des tas d'individus isolés se retrouvent englués malgré eux dans de telles paperasseries. Des gens qui à la base voulaient juste passer du bon temps en jouant un peu au poker en ligne et dont les sous risquent au final de s'évaporer aussi sûrement que les eaux du fleuve Okavongo qui se perd dans le désert brûlant du Kalahari sans jamais parvenir à atteindre la mer.
Je pense à tous ces joueurs lésés qui
n'ont pas la chance de comprendre ne serait-ce que les bases des
rouages du droit, notamment en matière de procédures collectives. Comme
si le boulanger du village, le garagiste d'à côté ou bien encore
l'ouvrier de l'usine avaient un code de commerce en guise de livre de chevet ou bien un service juridique à leur disposition. "Oui
bien sûr, Maître, je sers la baguette de pain à Mme Michu et je suis à
vous. J'adore discuter de l'article L 622-27 en application à la procédure
de redressement judiciaire selon les dispositions de l'article L 623-14
du code de commerce. Mon beau-frère ouvrier à l'usine, ce paresseux, il va faire appel à
son cabinet d'avocats habituel avec lequel il a déjà gagné des dizaines et des dizaines
d'affaires."
Je trouve la tournure prise par cette affaire complètement insupportable, d'autant que pendant ce temps-là, l'ARJEL (Autorité de Régulation des Jeux en Ligne)
- qui aurait pourtant dû prendre le problème à bras-le-corps avec son
service juridique - continue à faire ce qu'elle sait faire le mieux, à
savoir : rien ! Il faut dire que l'ARJEL qui a lourdement failli dans son devoir de contrôle
et de surveillance des opérateurs agréés constitue a mon sens le
principal responsable de ce fiasco. Plutôt que d'opter pour un
comportement schizophrénique qui consisterait à vouloir défendre aujourd'hui ceux qu'ils ont lésé hier, les gens de l'ARJEL préfèrent
rester cohérents dans leur ligne de conduite en laissant patauger dans
la fange aujourd'hui ceux qu'ils ont souillé hier avec la même insouciance qu'un bambin avec son premier pantalon à bretelles.
C'est leur point de vue. Je ne suis pas certain que ce soit le bon. Heureusement qu'un avocat en herbe s'est spontanément manifesté sur le site Club Poker pour aider une partie des joueurs lésés et les accompagner dans leur démarche...
Le courrier laconique d'une vingtaine de lignes que vient de m'envoyer Maitre Marie Danguy en réponse à ma déclaration de créance est tout simplement consternant. En voici les éléments-clefs tels que rédigés par Maitre Danguy :
"Monsieur,
En ma qualité Mandataire Judiciaire, j'ai procédé contradictoirement à la vérification des créances déclarées au passif de l'affaire en référence. (...)
Votre créance est contestée par le débiteur à hauteur de 3 102 Euros au motif suivant :
Les tickets tournois ne sont pas payables en argent réel au joueur.
De plus les tickets expirés sont perdus. "
Eh bien ! Suffit-il d'un coup de baguette magique pour se débarrasser d'une créance pourtant censée être super-privilégiée et contre-garantie par un organisme de fiducie ? Deux lignes et abracadabra trouduc ouvre-toi ? Il faut croire que oui...
J'ai effectivement déclaré 3 102 Euros en tickets de tournoi. Car au poker, les tickets de tournoi, ce n'est pas de la monnaie de singe : ça a la même valeur que de l'argent réel, à ceci près que ce n'est pas fractionnable. J'ai transpiré des neurones pour les gagner, ces satanés tickets. Et de surcroît ces tickets n'étaient assortis d'aucune date de péremption, ça a moult fois été répété sur la plateforme par le staff d'EuroPoker. Je dispose d'un délai légal de 30 jours pour répondre à son courrier avec des mots choisis, un argumentaire en béton armé et un vocabulaire juridique de rigueur afin de lui expliquer que ce qu'elle vient de m'écrire-là est complètement dénué de sens. Faute de quoi mes 3 102 euros s'évaporeront dans les sables brûlants d'un désert impitoyable.
Le juge-commissaire aura a se pencher sur mon cas vu que je vais évidemment réagir vigoureusement et qu'il va falloir regarder tout ceci à la loupe. Mais dans tous les cas, que d'énergie perdue au passage ! Heureusement que j'ai la foi et l'envie de me battre, et que je dispose par ailleurs d'assez d'eau à mon moulin pour espérer une issue favorable. Sinon je serais réellement malheureux. A vrai dire, je suis malheureux. Surtout pour tous les autres joueurs incapables de faire entendre leur voix.
Je ne résiste pas au plaisir de fournir une petite pièce jointe extraite de la page Facebook officielle d'EuroPoker avec laquelle ces gens faisaient leur communication. "Pas de durée définie" pour les tickets. De plus, lors de la liquidation amiable des opérateurs en ligne Barrière Poker et Partouche Poker les tickets des joueurs ont été convertis en cash et reversés sur les comptes des joueurs. Dans ces conditions, quelles sont donc les chances pour que les arguments avancés par le débiteur soient réellement fondés ?
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