Le jour où la passion pour ce jeu me quittera, je pense que je prendrai
plaisir à lire a posteriori le récit de mon parcours tel que je l'ai
vécu au jour le jour. Et ce, quel que soit le bilan final de mon immersion dans l'univers du poker. Car ce jeu m'aura tout de même apporté tout un lot de palpitantes aventures à vivre jusqu'ici. Et je sais en mon for intérieur que ce n'est probablement pas fini.
Lorsque j'ai créé ce blog il y a un peu plus de deux ans, c'était avant toute chose pour qu'une poignée de proches et d'amis puissent suivre avec amusement et transparence mes pérégrinations dans le monde impitoyable du poker. C'est de façon tout à fait délibérée que j'ai choisi de faire preuve de discrétion et de sobriété : sans faire de promotion (distillant le lien vers ce blog au compte-goutte au gré des quelques belles rencontres), tout en choisissant par ailleurs un hébergeur - blogger - dépourvu de toute publicité et délesté de tout ce qui me parait relever du superflu. Toutefois, je constate mois après mois que le nombre de pages consultées ne cesse de croître : j'imagine qu'il s'agit pour la plupart de gens qui se perdent au hasard de leur déambulation sur la toile. Mais certains pèlerins égarés reviennent manifestement me visiter par la suite. Peut-être se prennent-ils au jeu et espèrent-ils ici me voir narrer l'accomplissement d'un prodige retentissant de la part du Dieu du Poker en ma faveur. Cela arrivera peut-être un jour lointain, mais il est bien plus probable que cela ne soit jamais le cas et que mes succès à venir continuent à être modestes et tout relatifs. Quoi qu'il en soit, quand bien même j'aie initialement choisi le chemin de la confidentialité, si tant est que mon récit puisse plaire à certaines personnes, j'en suis sincèrement heureux. Car parvenir à égayer l'espace d'un instant le quotidien d'autrui en lui offrant un moment d'évasion constitue un acte positif en soi, et ceci même si le propos de base est on ne peut plus futile.
Sur un plan plus personnel, je me suis rendu compte assez rapidement que la narration de mes péripéties pokeristiques s'avère utile à ma progression, car cela contribue à me fixer des challenges et des défis à portée de clic (ou pas), tel un plan de bataille minutieusement préparé en préalable à l'assaut d'une forteresse réputée imprenable. Rendre l'improbable possible en lui conférant une forme de cohérence constitue un premier pas vers la réussite, quand bien même ladite réussite demeure hautement incertaine. Ecrire me permet donc de donner du sens à mon parcours et à ma trajectoire, en hiérarchisant les priorités et en m'offrant un soupçon de recul par rapport aux événements tels que vécus au fur et à mesure, de telle sorte que ma motivation et mon implication dans le poker soient canalisées de façon positive et constructive. C'est un sacré atout, mine de rien.
Je vois donc également ce blog comme une sorte de garde-fou. Beaucoup de joueurs de poker pourtant talentueux à qui Dame Chance offre le privilège d'un gros gain et de victoires de prestige se dispersent aussitôt leur succès obtenu, en ne parvenant pas à canaliser durablement leur talent cartes en mains pourtant indéniable. En ce sens, au poker comme ailleurs un immense succès mal assimilé est bien souvent vecteur de dispersion (attrait pour le superficiel, goût de la fête, hygiène de vie dégradée...), et de destruction (dilapidation de son capital, recherche éperdue d'adrénaline, nouvelle addiction à des plaisirs éphémères...). Il en va de même avec les heureux veinards qui décrochent un gain important à la loterie ou avec certains héritiers se découvrant un oncle d'Amérique, à ceci près que contrairement au joueur de poker, ces derniers n'ont aucun talent particulier à gâcher... tout juste leur vie équilibrée. On ne compte ainsi plus les articles qui émaillent la toile se faisant l'écho de gros gagnants ruinés en un laps de temps relativement bref après avoir pourtant décroché le jackpot. Tout comme on ne compte plus les entrefilets dans la presse spécialisée se faisant écho des déboires financiers d'anciennes gloires du poker. Succès soudain et argent coulant à flot génèrent une forme de pression d'un genre particulier, et il faut savoir s'y adapter en un laps de temps assez bref, ce qui est loin d'être évident pour le plus grand nombre d'entre nous, d'autant que la manne a tendance à se tarir bien plus vite qu'on ne le pense. Ce qui me conduit à penser qu'obtenir le succès n'est pas le plus difficile en soi : le plus compliqué, c'est de parvenir à l'incorporer de façon durable et harmonieuse à un équilibre de vie permettant une certaine forme de bonheur.
Cela fait quelques temps qu'il ne se passe rien de retentissant dans mon périple de joueur de cartes. Le premier trimestre 2015 aura compté pour du beurre, je n'ai pas gagné grand chose : le millier d'euros gagné lors du Winamax Poker Tour début février suffisant à peine à compenser les quelques centaines d'euros perdus sur internet en janvier et en mars. Le bon côté des choses à la morosité ambiante, c'est que cela me permet de réfléchir à la situation présente avec sérénité et de reconstituer le potentiel et la vigueur de l'adrénaline future qui se déversera dans mes veines à la faveur des succès futurs, qu'ils soient immenses ou bien modestes. Car le poker constitue un monde d'opportunités sans cesse renouvelées.
L'argent et le succès apportent confort et bien-être, c'est une certitude. Mais pas forcément le bonheur. Si d'aventure à la faveur d'un succès retentissant je suis amené un jour à sortir de l'ombre et à m'exposer à la lumière avec soudaineté, je saurai m'en souvenir. En grande partie grâce à ce blog.
Moi je viens te lire et je t'ai "blogrollisé" car tu écris très bien et tu as une approche saine de notre jeu favori ;-)
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