Bien qu'une calculette physique fasse également l'affaire, j'ai personnellement recours à sa version dématérialisée, une application sous forme du widget que tous les utilisateurs de Windows connaissent depuis longtemps. Preuve que je prends le sujet très au sérieux, cette application fait partie des rares qui disposent d'un raccourci direct sur le bandeau inférieur de mon bureau afin que son activation se fasse le plus rapidement possible (2 secondes chrono) lorsque le besoin s'en fait sentir lors de mes tournois de poker. Quels sont les cas où je m'en sers ? A quelle fréquence ? De prime abord on pourrait penser à des calculs de paliers, de deals ICM ou autre. Tel n'est absolument pas le cas en ce qui me concerne.
A la louche, je dirais que j'ai recours à ma calculatrice environ une fois toutes les 400 à 500 mains. Mais hier soir, le hasard des tables compliquées aura fait que cela m'est arrivé à près de dix reprises pendant ma session, ce qui m'a donné l'idée de rédiger cet article ! Cela peut s'avérer crucial lorsque j'anticipe une potentielle situation de relance bloquée à ma table. Dans la plupart des cas de relance bloquée potentielle, un simple calcul mental de ma part suffit à calibrer ma mise au plus juste, mais parfois lorsque je souhaite affiner au jeton près (principalement en Pot-Limit Omaha mais pas seulement) l'usage de la calculatrice s'impose afin de procéder à une mise optimale lorsque vient mon tour de parole.
Il y a deux cas de figure lorsque j'anticipe à table un potentiel cas de relance bloquée : (1) le cas où je souhaite volontairement provoquer un tapis de la part d'un joueur à court de jetons afin d'embarquer dans une surenchère ultérieure un autre joueur ; (2) le cas où je veux au contraire empêcher tout effet de levier adverse afin d'éviter un emballement du pot.
Dans le cas où je souhaite que l'un des joueurs fasse tapis après que la parole m'ait été donnée, le scénario est plus machiavélique qu'il n'y paraît. L'objectif n'est pas ici de construire un pot moyen ou de voler une poignée de blindes, et parfois il faut savoir miser un peu moins afin de créer les conditions de la réaction en chaine souhaitée et que la parole nous revienne au cours du même tour d'enchère !
Je sors ma calculatrice car l'objectif est donc de miser au maximum 49,9% du montant du stack effectif du joueur short stack, de telle sorte qu'il se retrouve dans la situation binaire consistant à abandonner le coup ou à faire tapis... je ne veux pas qu'il paie. Ca peut paraitre absurde et pourtant, à ce seuil s'il décide de simplement payer cela nous embarque dans un pot de taille intermédiaire, ce qui n'est pas idéal pour la suite du déroulé du coup.
Si le but recherché est atteint, à savoir le tapis du joueur short stack, cela signifie que la parole va me revenir et que je vais pouvoir enclencher un effet de levier d'autant plus puissant que le tapis du joueur short stack aura été suivi par un ou deux autres joueurs. Je veux ainsi soit entraîner dans le coup le(s) joueur(s) tiers : tel est le véritable objectif de mon raid des 49%. Tout joueur tiers engagé dans un tel coup se retrouve alors soit embarqué dans une aventure hasardeuse soit contraint d'abandonner sans pouvoir aller plus loin dans le coup, créant ainsi ce que l'on appelle dans le jargon de la dead money. Dégainer ma calculatrice et prendre la peine de calculer ma mise optimale à hauteur de 49% du stack d'un joueur pauvre dans l'espoir d'enclencher un effet de levier maximal et de créer une réaction en chaine afin de potentiellement détrousser un joueur riche, tel est le plan. Il s'agit littéralement ici d'un coup de billard à trois bandes. Et comme dans tout mécanisme délicat, la précision du geste compte. D’où l’usage de la calculatrice : parfois au jeton près, si nécessaire.
Inversement, il est des cas où je souhaite au contraire empêcher que le pot ne s'emballe. C'est notamment le cas lorsque je dispose d'un tapis confortable lors d'une phase importante du tournoi et que je souhaite limiter les risques de dérapage induits par le tapis d'un short stack (approche de la bulle, palier en approche, ou tout simplement main forte mais vulnérable face à des premiums ou lors du déroulé du coup en cas de flop dangereux).
Dans ces cas là, je cherche à neutraliser un potentiel effet de levier adverse et je sais qu'il faut alors miser un montant supérieur à 51% du montant du stack du joueur situé dans la zone rouge que je soupçonne de pouvoir faire tapis. Dans de tels cas, le calcul se fait plus intuitivement et j'ai moins recours à la calculatrice que dans le premier cas de figure car le montant de la mise peut également être de 60% voire même de 80% sans que cela soit aussi critique que lorsqu'on souhaite créer l'effet de levier décrit dans le premier cas de figure.
En résumé, je suis amené à dégainer la calculatrice afin de miser 49% du stack d'un joueur dans la zone rouge lorsque j'ai pour ambition de créer un effet de levier et tendre un piège à un joueur tiers. J'y ai également recours afin de miser 51% et plus lorsque je souhaite limiter les risques d'emballement et garder la main autant que faire se peut sur la taille du pot vis à vis des tiers là-encore. Cette nécessité de calculer au plus juste à l'aide de la calculatrice est exacerbée lorsque le tournoi se joue en Pot-Limit Omaha et/ou lorsqu'il y a des KO potentiels qui vont augmenter les chances d'achalander des joueurs tiers en les embarquant dans un coup presque malgré eux.
Le temps est particulièrement précieux au poker : idéalement, une situation de relance bloquée doit être détectée bien avant que l’action ne me parvienne et l'usage potentiel de la calculatrice anticipé. Attention, tout ceci n'est pas qu'une simple affaire de mathématiques et de calcul : cette phase de calibrage à l'aide de la calculette - qui nécessite de ma part de tout stopper aux autres tables en cours pendant une dizaine de secondes afin de pondre le juste chiffre - n'est réellement pertinente que dès lors que l'on a identifié le joueur short stack comme ayant un comportement de jeu rationnel et que l'on a un minimum profilé ses adversaires à table.
Il existe notamment un profil de joueur capable de call-commit 49% de son tapis, tel un lièvre traversant la route la nuit qui se retrouve pris dans les phares d'un véhicule et s'immobilise en multipliant les chances de choc frontal pour lui (mais aussi d'accident pour moi). Pour qu'un tel plan soit fluide et se déroule tel qu'escompté, une analyse situationnelle doit être faite dès la distribution des cartes (hauteur des stacks de chaque joueur, détection des profils propices à l'enclenchement de potentiels effets de levier). Cela m'évite notamment de recourir bien malgré moi à un time bank le temps de finaliser le calcul, potentiellement perçu comme suspect par autrui.
Quoi qu'il en soit, ma calculatrice est mon amie au poker. Je n'hésite jamais à en faire usage, même si les cas sont rares et que cela nécessite un travail de préparation en amont. Le succès au poker tient aussi parfois à ce genre de détails infimes...

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