C'est plein d'entrain que je me suis présenté dans la matinée de vendredi de la semaine passée pour y disputer l'édition 2025 du Hip'Poker Tour organisé comme tous les ans par le PMU. Sous les voûtes monumentales de l’hippodrome de Vincennes, le hall du Hip’Poker Tour bruisse d’une excitation contenue lorsque les joueurs s'installent peu après 10h. Un peu plus de 300 joueurs, s’apprêtent alors à en découdre pour cette édition 2025 disputée sur deux jours et organisée par le PMU Poker avec des croupiers à chaque table (tables de neuf joueurs). Il fait froid dans ce vaste hall non chauffé, mais cela m'indiffère. Je débute le tournoi concentré, assis à la droite du sympathique croupier, prêt à jouer mon meilleur poker après ma qualification en ligne obtenue sans forcer quelques jours plus tôt sur le site internet du PMU.
Mais la croix du joueur de poker devient parfois un fardeau bien lourd à porter. Dès le niveau 2, alors que la matinée ne fait que commencer, je dispute un énorme pot de près de 300 blindes avec en main une paire de dames. Le flop vient Dame-Roi-As avec deux carreaux et un pique. Un flop superbe disputé contre quatre joueurs avec un pot qui fait déjà 35 blindes, et pourtant... Les enchères grimpent doucement au flop, ce qui me laisse confiant quant au fait que personne n'a la main gagnante à ce stade (un hypothétique Valet-Dix), d'autant que je ne décèle aucun regard crispé chez mes adversaires engagés dans ce coup. La turn est un 5 de pique, ajoutant un tirage couleur supplémentaire. Je décide à cet instant de faire tapis, en engageant mes 140 blindes dans un pot qui en fait alors environ 75, convaincu d’être devant et soucieux de protéger ma main contre les nombreux tirages couleur.
Un seul adversaire paye. Un joueur avec les Valets se couche aussitôt, tandis que le dernier à devoir parler, après un long tank, nous montre As-4 de pique avant d'abandonner à contrecœur. Celui qui m'a suivi, paie mon tapis avec As-Roi. J'ai alors 94% de chances de remporter ce coup. La river, comme souvent dans ces tragédies, tombe : un Roi assassin vient aussitôt crucifier mes espoirs et transformer mon brelan en relique inutile. Je suis néanmoins très satisfait du déroulé du coup. Mon adversaire de droite (spectateur du coup) beaucoup moins et maugrée à diverses reprises que tout aurait dû partir à tapis pré-flop de part et d'autre. J'ai beau lui répéter que si tel avait été le cas j'aurais sacrifié ma paire de dames sans remords avec mes 160 blindes de profondeur : il ne veut rien entendre.
Me voilà déjà dans la zone rouge-orangée des pénitents, lesté d’un tapis rachitique qui ne me laisse guère de marge de manoeuvre. Pendant près de deux heures, malgré ma peine, je m’accroche avec ferveur, en quête de rédemption. Chaque main jouée constitue une épreuve, chaque relance adverse une tentation d'en finir. Je parviens à survivre, mais sans jamais retrouver de véritable sérénité. Les stigmates de ce coup perdu restent gravés dans ma mémoire comme un rappel cruel de la fragilité de toute espérance pokeristique.
Lorsque retentit l’annonce de la pause déjeuner, je respire un instant, espérant entrevoir une lueur d'espoir à la fin de la cène. Il n’en sera rien : la messe est dite. À peine revenu à la table, mon maigre tapis s’évapore dans une ultime confrontation. Éliminé dès le retour de la pause, je quitte la table avec un mélange d’amertume et de résignation.
Pour conjurer ma frustration, je m’inscris à un sit and go de consolation, une parodie de poker où tout se joue en moins d'une heure : cette boucherie ultra turbo dépourvue du moindre intérêt technique et très chichement dotée - sans grâce ni gloire - m’achève définitivement. Il est alors 16 heures, le froid dans le grand hall non chauffé et la déception me dissuadent de rester. Je regarde une dernière fois les tables, les rires, les jetons qui s’entrechoquent. Les buffets et petits fours m’attendent en début de soirée, mais le cœur n’y est plus. Je préfère m’éclipser et rentrer dans la grisaille, laissant derrière moi cette arène de verre insolite.
On dit souvent que l'élimination d'un tournoi de poker constitue à chaque fois une petite mort dès qu'on y met un brin d'affect. Le Hip’Poker Tour édition 2025 s’achève donc pour moi sur une note amère, mais le joueur que je suis sait que la résurrection n’est jamais bien loin. D’autres tournois m’attendent, d’autres tables, d’autres combats. Avec, je l'espère, la prochaine fois un destin plus clément au tournant de la river.
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