Les racines font partie intégrante de l'arbre. Cela fait des semaines que je traîne pour publier
cet article se rapportant à ma relation paternelle. Sans doute parce
que mettre des mots précis sur des sensations diffuses, mélange de fierté et d'amertume, enfouies en moi depuis toujours mais jamais
exprimées de façon concrète, ce n'est pas chose
facile. Que je le veuille ou non, mon père a eu une influence prépondérante sur mon approche du
jeu en général, surtout sur le plan compétitif.
du béret au chapeau... |
Mon père. Au sein de notre famille, voire au sein
du village tout entier, il a la flatteuse réputation d'avoir été
un garçon particulièrement doué : à l'enterrement de mon
grand-père, il y a de cela une vingtaine d'années, son institutrice
qui assistait aux funérailles a affirmé devant tous ceux présents
qu'il avait été l'élève le plus brillant qu'elle ait connu en 40
ans d'enseignement. Difficile de remettre en cause pareil témoignage.
Enfant, j'aimais à le regarder jouer aux cartes
lors de nos vacances estivales, dans le sous-sol enfumé du café du
village. Doté d'une intelligence intuitive mise au service du jeu,
il faut dire qu'il forçait le respect de ses adversaires. D'ailleurs, il a toujours été un adversaire redoutable, quel que
soit le jeu pratiqué (jeux de cartes, jeux de société, jeux de
l'esprit), remportant la mise face à autrui bien plus souvent qu'à
son tour.
Mais le fait qu'il soit redoutable ne veut pas dire
qu'il était supérieur à moi, bien au contraire. Car je ne suis pas
"autrui". Depuis mon plus jeune âge, je me suis frotté à
mon père dans pas mal de jeux, et j'ai invariablement pris
l'ascendant. Et invariablement, il y avait toujours un moment où il
me criait dessus. Car là où lui se contentait de surfer sur sa
maîtrise intuitive du jeu, moi je l'étudiais inlassablement et
parvenais ainsi au final à un degré de maîtrise supérieur. Tout ceci m'a d'ailleurs appris deux choses :
- l'énervement constitue un aveu d'impuissance et c'est à n'en pas douter le premier pas sur le chemin de la défaite. Il m'a fallu de nombreuses années pour le comprendre, mais désormais je sais stopper tout début d'énervement car je sais qu'il nuit immanquablement à l'efficacité. La maîtrise des nerfs et la régularité constituent un socle sur lequel bâtir des performances solides et durables.
- l'intelligence intuitive, le talent brut, c'est probablement suffisant pour être le champion de son village. En revanche, pour pouvoir devenir le champion du monde, c'est une toute autre affaire : le talent doit être couplé avec la pratique inlassable. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles mon modèle sportif a toujours été Michael Jordan : extraordinairement doué intrinsèquement, mais aussi le plus assidu à l'entraînement, inlassablement obnubilé par la victoire. Le gagneur absolu.
- l'énervement constitue un aveu d'impuissance et c'est à n'en pas douter le premier pas sur le chemin de la défaite. Il m'a fallu de nombreuses années pour le comprendre, mais désormais je sais stopper tout début d'énervement car je sais qu'il nuit immanquablement à l'efficacité. La maîtrise des nerfs et la régularité constituent un socle sur lequel bâtir des performances solides et durables.
- l'intelligence intuitive, le talent brut, c'est probablement suffisant pour être le champion de son village. En revanche, pour pouvoir devenir le champion du monde, c'est une toute autre affaire : le talent doit être couplé avec la pratique inlassable. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles mon modèle sportif a toujours été Michael Jordan : extraordinairement doué intrinsèquement, mais aussi le plus assidu à l'entraînement, inlassablement obnubilé par la victoire. Le gagneur absolu.
à la fin c'est Fredyl qui gagne... |
Dans de telles conditions, il m'est devenu assez
pénible d'entendre mon père à longueur d'année s'auto-congratuler
sur ses capacités cognitives prétendument supérieures aux miennes
dans le domaine du jeu, alors même que nos parties acharnées et disputées à la loyale s'achèvent plus souvent en ma faveur qu'en la sienne. Il a toujours eu l'élégance de mettre ses
victoires obtenues contre moi sur le compte de son talent inné et d'imputer
ses échecs sur le compte de la variance.
Et lorsque nous jouons en équipe et que je l'ai en
tant que partenaire, c'est encore plus crispant : il a toujours le
chic pour me hurler dessus à un moment ou à un autre, me reprochant
des pseudo erreurs tactiques pas toujours fondées (nos raisonnements stratégiques étant différents), me rabaissant
inlassablement quant à mon niveau de jeu soi-disant pitoyable, alors
que lui-même commet des erreurs parfois majeures, le plus souvent
passées sous silence ou bien alors imputables selon lui au fait que je l'aie
préalablement énervé les fois où je me permets de les lui
signaler. Notre rivalité vis-à-vis du jeu relève en
permanence de l'affrontement brutal. Il me hurle dessus. Refusant de céder du terrain, surtout de façon aussi injuste, je me
défends bec et ongles. C'est nerveusement pénible pour nous deux et
relativement désagréable pour les autres joueurs présents. Il existe entre nous lorsque nous jouons une rivalité palpable, parfois électrique.
Pourtant, cela n'a pas toujours été aussi tendu entre lui et moi.
En puisant dans mes souvenirs d'enfance, j'ai parfaitement en mémoire
le fait qu'il me caressait fréquemment la tête en me demandant non sans ironie :
« Qui est-ce qui t'a fait cette petite tête ? » Preuve
évidente qu'il était fier d'avoir un fils aussi vif et futé à un moment
donné, même si bien entendu à l'époque cette subtilité m'échappait complètement.
étranges racines... |
racines invisibles mais tête bien faite... |
En toute objectivité, il est dans l'ordre des
choses que les nouvelles générations soient supérieures aux
anciennes, profitant logiquement de l'expérience accumulée par les générations précédentes
pour apprendre plus rapidement et ainsi pouvoir explorer de nouveaux cycles de
réflexion. Si tel n'était pas le cas, nous serions probablement demeuré des primates. Conscient de
cela, je ne commettrai pas la même erreur que mes parents ont pu commettre avec moi en me considérant à tort (ou à raison) comme un être inférieur. J'ai pour
ambition que mon fils soit plus futé que moi, qu'on se le dise !
Aussi, je compte en faire un élève, peut-être bien un disciple, voire un successeur
dont je serai totalement fier un jour. Mais jamais un rival.
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