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mardi 25 février 2025

Quand Juliette Armanet se décide à "Sauver Ma Vie"

J'aime jouer le soir au poker avec un peu de musique en guise de fond sonore. J'ai d'ailleurs déjà rédigé par le passé un ou deux articles à ce propos, il y a quelques années, du temps où je m'épanchais davantage sur ce blog.

La musique, donc. Pour maintenir de la régularité dans ma concentration. Au fur et à mesure que la soirée avance, la musique n'est pas la même. Il est très fréquent que je démarre une soirée poker en compagnie d'un peu de Jazz. Ocassionnellement, il m'arrive de démarrer avec de la musique classique, de la country américaine ou bien encore un peu de variété française. Mais vers la fin de la soirée, un rituel musical d'un autre type se met parfois en place. Depuis maintenant près de deux ans, lorsque les choses se corsent pour moi alors que le money time arrive et que je me retrouve en table finale d'un tournoi très chichement pourvu en jetons au bord de l'élimination, je me résous à abattre mon joker final, celui que je garde au chaud jusqu'au moment le plus critique : Juliette Armanet ! Je mets alors en boucle sa chanson "Sauver ma vie".

Cette chanson devient alors pour moi un authentique mantra de minuit, me rapprochant d'un état de transe pokeristique durable. Non seulement mon degré de concentration se retrouve aussitôt à son zénith, mais bien que n'étant pas à proprement parler superstitieux, j'y vois-là malgré tout une ode à Dame Chance ; je la supplie de m'accorder des tirages favorables me permettant de rester vivant dans le tournoi encore un peu. Suffisamment pour que je puisse gratter un premier palier. Voire deux ou trois, tant qu'à faire. Et pourquoi pas jusqu'à la victoire finale, qui sait ? L'essentiel pour moi dans ces moments-là est de parvenir à survivre. Sauver ma vie. Encore et encore.

Toutes les fois où Juliette répète "sauver ma vie" dans la chanson, je sens que je suis sur la corde raide mais je n'ai pas peur. J'ai la sensation de danser tel un derviche tourneur au bord d'un précipice. Je vibre à l'unisson avec elle. Avec le rythme de sa chanson. Avec ses paroles. Avec son visage. Avec sa voix. Avec mes cartes. Alors je m'accroche. Jusqu'au coup suivant. Et encore jusqu'au suivant. Encore. Encore et encore. Je sais que je vais prendre les bonnes décisions. Mon tournoi ne fait plus qu'un avec la chanson, qui continue de vibrer inlassablement en moi tant que je résiste à l'élimination qui me guette et qui peut survenir à tout moment. Parfois, c'est vrai, je suis presque aussitôt éliminé et mon rituel n'aura alors duré qu'une petite minute. Mais si je suis en veine et que je survis longtemps, ledit rituel armanétien peut s'étaler sur une bonne heure, voire au-delà. La symbiose peut alors pleinement opérer.

Outre son rythme entrainant, certains passages de la chanson m'apparaissent sinon prophétiques du moins troublants de similitude avec les divers sentiments que je m'apprête à vivre puisque toutes les situations de jeu que je peux être amené à rencontrer au cours des prochaines minutes y sont répertoriées, quand bien même la chanson n'ait dans l'absolu rien à voir avec le poker.

"Tonnerre sur ma terre, j'ai le coup de minuit" : Le commencement. C'est fréquemment vers minuit que le money time survient à mes tables de poker et que je lance la chanson.

"Lâcher ton cœur, j'ai peur, mais je dois sauver ma vie" : ne t'enflamme pas Fredyl, tu peux coucher ta main ici, tu auras d'autres occasions de faire tapis. Laisse un autre faire le kamikaze à ta place. Commence par gratter un palier. Patience.
 
"Tonnerre, tout s'éclaire comme un coup de génie" : Boom. Je remporte un coup crucial et double mon tapis pour sortir de la zone rouge ! Je peux enfin commencer à envisager la victoire finale.
 "Je ne sais pas comment faire, mais je dois sauver ma vie" : Je traverse un désert de cartes et suis en train de périr à petits feux. Mais ce n'est pas fini, je vais bien finir par trouver une ouverture à un moment ou à un autre.
 "L'un de nous deux était de trop" : C'est le moment de dire bye bye ; soit à un adversaire qu'on vient d'éliminer... soit à soi-même !
 "Le soleil n'ira pas plus haut, c'est ainsi" : Fin du tournoi pour moi, je suis éliminé !
 
"Tonnerre, ma prière tout d'un coup m'éblouit" : Soit Dame Chance me file un coup de main et je remporte un coup alors que les probabilités n'étaient pas en ma faveur, soit ma traversée du désert s'achève et je débute une phase de rush qui me propulse vers le haut du classement.
 "Tu as joué, je perds, je ne veux plus d'ennemis" : C'était mon dernier tournoi du soir, je déconnecte.
 
"Tonnerre, pour te plaire j'avais tout réuni" : J'ai bien joué mon coup mais j'ai perdu et je suis éjecté du tournoi par pure malchance.
 "Mais mon soleil ira plus haut, c'est écrit" : Je gagnerai la prochaine fois, je le sais !
 
Quoi qu'il en soit, une chose est certaine : lorsque Juliette Armanet se décide à "Sauver ma vie", elle me pénètre l'esprit jusqu'aux tréfonds de mon âme. Juliette, si un jour tu lis ces lignes, sache que tu m'habites pour la vie. Tu es ma muse poker. Et je t'en suis à jamais reconnaissant.