J'ai envie de m'étaler quelque peu aujourd'hui sur un élément dont on parle relativement peu au poker mais qui fait parfois la différence : l'exploitation du temps qui passe entre les prises de décision à table.
Hier soir, j'ai gagné un petit tournoi de Omaha en grande partie grâce à ma lecture du sablier. Si le montant remporté est anecdotique, à peine quelques dizaines d'euros d'engrangés, c'est surtout la manière dont cette victoire est survenue qui interpelle puisque j'ai en quelque sorte écouté le temps qui s'écoulait en table finale. On n'est plus du tout ici en présence de probabilités, ni de chance ou de malchance : c'est en domptant le sablier et le silence que parfois on parvient à prendre l'ascendant sur certains types d'adversaires.
Quel que soit le montant investi, il y a de nombreux joueurs dont les pensées peuvent être en grande partie décryptées grâce au temps qui s'écoule au moment où leur revient la parole. C'est particulièrement vrai en Pot Limit Omaha, où les calculs de cotes mathématiques et de seuils sont plus complexes à appréhender qu'en Texas Holdem et nécessitent en moyenne davantage de réflexion avant d'agir. Afin de limiter les éventuelles lectures du sablier adverse, de nombreux joueurs professionnels de live ou de hautes limites online veillent à scrupuleusement respecter le même écoulement de temps lors de leur prise de décision. C'est quelque chose que j'essaye également d'adopter lorsque les enjeux grimpent dans les petits tournois auxquels je participe. Inutile de préciser que chez mes habituels adversaires de petites et parfois moyennes limites, personne ou presque ne se donne cette peine : à part tanker à la bulle ou à l'orée de chaque palier des places payées personne ou presque ne fait vraiment attention au sablier.
En règle générale, lorsqu'un joueur laisse défiler le sablier bien plus longtemps que d'accoutumée avant de placer une (grosse) mise, c'est qu'il a vraiment du lourd en main. Calibrer sa mise judicieusement prend en effet du temps. Beaucoup constatent cette tendance intuitivement au quotidien. Mais trop peu sont ceux qui décident d'exploiter ce détail d'ordre temporel à leur avantage. Je ne m'en prive pas, quand bien même je ne l'utilise que contre certains profils de joueurs.
A titre personnel, j'ai parfois tendance à laisser filer le temps bien davantage qu'il ne le faudrait lorsque je m'apprête à placer un gros bluff, ou alors lorsque je n'ai rien touché mais que je fais semblant d'hésiter avant de finalement check, car on gardera à l'esprit que pendant que le sablier s'égrène chez soi, c'est souvent le doute qui s'installe chez l'autre.
Chez les adversaires dont j'ai profilé un style de jeu de type large-passif (environ 30% des joueurs de Omaha ont ce profil), le sablier qui défile un peu trop longtemps par rapport à leur habitude - surtout à la turn et à la river - agit sur moi comme une forme d'avertissement, y compris lorsque l'adversaire finit simplement par checker ; cela aura souvent tendance à refroidir mes velléités de continuer à faire grossir le pot autant que prévu. Inversement, chez ces mêmes adversaires, le fait de ne pas avoir touché post flop se traduit souvent par des checks bien trop rapides, assez pour débusquer une faiblesse adverse m'incitant à miser davantage qu'en temps normal.
Au final, quelle satisfaction d'avoir éliminé un à un mes trois derniers opposants en grande partie grâce à la simple maitrise du temps qui s'écoule. Ca fait aussi partie de la magie du poker : parvenir à obtenir beaucoup avec parfois trois fois rien. Le temps est l'allié du joueur sage qui a appris à l'écouter passer avec nonchalance. Qu'on se le dise !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire