Pour rappel, il y a
quatre profils de joueurs (voir à ce propos mon billet en date du 8 mai 2013) : Le large agressif (le
flambeur), le large passif (le
suiveur repenti), le serré passif (la serrure) et le
serré agressif (le
teigneux). Il est rare qu'un joueur alterne les styles en
cours de partie, sauf dans le cas de débutants chaotiques ou de
roublards caméléons. Cerner rapidement le profil de jeu d'un
adversaire constitue une information précieuse, puisque cela permet
d'adapter son propre jeu en conséquence. D'ailleurs, c'est bien
simple : au poker, toute information est bonne à prendre, car
elle confère à son détenteur un avantage immédiat dans
l'optimisation de sa prise de décision.
A titre personnel, je
suis plutôt défavorable au recours à ces instruments technologiques, car
ils confèrent à son porteur un avantage par rapport aux autres
joueurs ne disposant par d'un tel arsenal. Mais ambitionner de faire des résultats en s'en privant est
illusoire, car cela revient à combattre à armes inégales contre les meilleurs.
Xeester, un logiciel français de tracking |
Toutefois, il existe une
frontière entre logiciel légal et logiciel illégal. Xeester est un
logiciel légal, puisque le joueur se constitue sa propre base de données
uniquement avec les adversaires qu'il affronte lui même, au fur et à
mesure des tables de poker fréquentées. Il serait possible, quoique fastidieux (voire titanesque), de faire la même chose à la main, en se constituant des fiches sur lesquelles ont noterait des observations propres à chaque adversaire. Toutefois, il existe d'autres
logiciels non légaux, qui eux permettent l'utilisation d'une base de
données gigantesque commune à tous les joueurs de la planète, ces
logiciels enregistrant automatiquement les millions de mains jouées
chaque jour par la communauté online du poker. Certains sites internet permettent même de consulter le profil complet d'un joueur (informations payantes).
Le monde du poker
en ligne d'aujourd'hui me fait penser à la guerre telle qu'elle était
pratiquée au moyen-âge, au tout début du XIIIe siècle. D'un côté les chevaliers, rompus aux
métiers des armes, bénéficiant de destriers et de lourdes armures
pour les protéger. De l'autre côté, la piétaille, mal équipée
et mal entraînée. Alors, certes, un archer avait la possibilité de
tuer un chevalier mais pour ce faire il fallait que sa flèche trouve
le défaut de la cuirasse. Mais pas un arbalétrier. Car tuer un
chevalier avec un carreau d'arbalète était somme toute devenu
enfantin, la puissance de l'impact d'un carreau d'arbalète pouvant
transpercer les armures et autres cottes de mailles.
Pape Innocent III (1160-1216) |
D'une certaine manière, cela a contribué au déclin de la féodalité.
Après tout, si un chevalier peut lui aussi mourir facilement sur un
champs de bataille, transpercé par un carreau d'arbalète ou par la
sagette d'un longbow (arc long), qu'est ce qui justifie le maintien de ses
privilèges exorbitants ? Le pape Innocent III (souverain pontife de 1198 à 1216), considéré comme l'un des plus brillants pape du moyen-âge l'avait parfaitement compris : par ricochet, l'affaiblissement de la noblesse affaiblissait aussi le clergé. Il a eu
beau menacer d'excommunication les chefs d'armée qui avaient recours
aux longbows et aux arbalétriers sur les champs de bataille entre chrétiens, cela ne les a pas empêchés de continuer à en
faire usage. Car à la guerre, la fin justifie les moyens. Et il a
fallu repenser la façon de faire la guerre en conséquence. Ceux qui ne l'ont compris que tardivement ont perdu bien des batailles, entretemps...
longbowman |
Recourir
à Xeester aujourd'hui, c'est un peu comme utiliser des archers gallois sur les
champs de bataille au XIIIe siècle. Le longbow, cet arc en bois d'if de grande dimension nécessitant une pratique très intensive pour être maîtrisé,
permit de transpercer les armures de chevaliers bien plus facilement
qu'auparavant (efficace contre les cottes de mailles lorsque la distance de tir était inférieure à 100 mètres et capable de transpercer une armure de plaques en deça de 60 mètres) et de changer radicalement la façon de concevoir la guerre. Bien que je sois loin
d'en exploiter l'essentiel des informations pour le moment, le peu de
données fournies par Xeester que j'utilise à ce jour me permet
assurément d'affiner mon opinion lors d'une prise de décision
difficile au cours d'une main.
Alors, oui, je regrette l'époque
d'autant, celle où tous les joueurs de poker ne prenaient leur
décision que sur les bases de leur instinct et de leur observation
forcément empirique de leurs adversaires. Tout comme je regrette
l'époque où les chevaliers chargeaient sur leurs fiers destriers
caparaçonnés et pouvaient trancher des têtes à foison, seuls
contre dix piétons, sans pour autant hypothéquer leurs propres
chances de survie dans la mêlée. Mais toute ceci, c'était avant que ne surviennent
les arcs longs gallois. Avant l'irruption des arbalétriers génois, des arquebusiers, des fusils, des mitrailleuses, des drones, etc. Oui, la guerre était
plus belle avant ! Mais la guerre reste la guerre. C'est vaincre ou être vaincu. S'adapter ou mourir. Pour les nostalgiques des guerres d'autant,
il reste toujours les wargames et les les jeux vidéos médiévaux.
Quant aux joueurs de poker qui souhaitent jouer sans que le combat ne
soit faussé par les logiciels de tracking, il leur reste le jeu en
live.
Pour moi, le poker en
ligne noble et chevaleresque, c'était hier à peine. C'était avant Xeester. Et pourtant,
j'ai déjà l'impression que c'était il y a une éternité...
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