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mardi 12 août 2025

La saison 2025-2026 est ouverte. Et c'est reparti pour un tour !

Voilà, après une coupure poker complète d'un bon mois, me voici de retour aux tables. Après avoir disputé quelques sessions nocturnes peu glorieuses pour le moment, mon ressenti est très positif. Je me sens frais comme un gardon. Heureux de jouer, tout simplement. Prêt à vivre une saison entière avec son lot de joies et de tristesses. Si Dame Chance avait la bonne idée de venir m'aider, ce serait chouette. Sinon, je vais faire en sorte de me débrouiller sans elle.
 
C'est donc reparti pour un tour, la saison 2025-2026 démarre et je suis optimiste : les turbulences du passé commencent à s'éloigner, j'ai désormais de réelles certitudes quant à ma supériorité technique sur mes adversaires (surtout en Omaha), je prends toujours le même plaisir aux tables et en dépit des années qui passent j'ai pleinement conscience qu'il me reste encore bien des objectifs à atteindre, bien des rêves à réaliser, bien des tournois à gagner.
 
Il y a quelques jours, j'ai pu revoir la mythique réplique du film L'union sacrée réalisé par Alexandre Arcady avec Patrick Bruel et Richard Berry en tête d'affiche, dont l'écho résonne en moi lorsque je joue au poker : "I am le kabyle, nobody me fait peur". Ceux qui me lisent depuis longtemps savent que j'ai adapté cette réplique spécialement pour le poker en "I am le fredyl, nobody me fait peur". Quoi qu'il en soit, cette saison, je suis résolu à n'avoir peur de rien ni de personne aux tables. Qu'on se le dise.

lundi 28 juillet 2025

Abstinence en vacances !

Il fut un temps (pas si lointain) où jouer au poker en ligne pendant les vacances d'été pouvait s'avérer compliqué. Avec le nomadisme numérique, tel n'est plus le cas.

Malgré la tentation, cette année, ma pause annuelle de juillet est scrupuleusement respectée. Ce n'est là ni une pause contrainte, ni un sevrage difficile, mais bien une authentique coupure, afin de récupérer de l'influx nerveux en prévision des semaines et mois à venir.

J’aurais bien évidemment pu jouer puisque je dispose d'une connexion internet et que les plateformes de poker ne s'arrêtent jamais : elles déroulent continuellement leurs tournois, 365 jours par an, 24h/24. Quoi qu'il en soit, j’ai décidé de refermer temporairement le couvercle de la cocotte-minute. J’ai donc laissé les cartes de côté, pour ne plus ressentir la moindre pression l'espace de quelques semaines.

Cela fait donc maintenant près d'un mois que je n’ai pas lancé une seule main. Pas de tension, pas d’attente, un rythme de vie dépourvu de ce petit stress nocturne qui serre la poitrine lorsque tout se joue sur un tirage. Et j'ai la conviction que cela me fait du bien.

Je n’ai pas pensé au poker. Ou presque pas. Deux soirs de suite, je me suis néanmoins installé devant mon téléviseur pour assister à la diffusion en direct sur RMC Sport de la table finale du Main event des WSOP de Las Vegas, comme on regarde un feu d’artifice : un spectacle lointain, beau, détaché, avec un champion survolté qui non content d'être le meilleur, aura bénéficié d'une chance insolente du début à la fin. Félicitations à Michael Mizrachi pour son sacre et ses dix millions de dollars de gains (avant impôts). A part ça, mon abstinence en vacances fut totale. Et c’était bien. Vraiment bien. Loin du tumulte des parties de poker en lignele silence numérique m'a fait réellement du bien.

Le jeu attendra. Il est patient, et moi aussi. Août arrive à grands pas : dans quelques jours, je vais donc revenir parfaitement reposé. Certainement pas meilleur techniquement, mais totalement apaisé et ragaillardi. Avec un amour retrouvé pour les cartes et leur incessant drama. Pourvu que ma saison 2025-2026 soit belle ! Je me sens bien. Et je pense pouvoir faire des belles choses.

 

mercredi 18 juin 2025

Série noire en cours

Alors que je racontais il y a une semaine à peine que j'avais le sentiment de jouer actuellement très bien, voilà que mes résultats financiers s'acharnent à rester dans le rouge, séance après séance, dans la continuité de mon article du 4 juin. A moins d'un retournement de situation, le mois de juin 2025 risque fort d'être pour moi un authentique désastre comptable, le pire depuis de nombreuses années. Les sessions négatives s'enchainent à tel point que ça fait désormais un peu tâche sur ma courbe. Pourtant, je continue à jouer mes tournois et à disputer mes coups de façon à peu près identique, logique, patiente et rationnelle, avec un rituel stable et une sélection de tables relativement similaire d'une session à l'autre. D'ailleurs, je prends soin de lisser la variance en jouant une douzaine de tables en simultané, de telle sorte que je joue 15 à 20 tournois de Pot Limit Omaha (PLO) par session. Ca aide aussi à combattre l'ennui d'avoir autant d'action en permanence devant son écran d'ordinateur. Mais rien ne saurait expliquer rationnellement ma série noire en cours.
 
Quoi qu'il en soit, je ne suis vraiment pas habitué à vivre une telle période négative session après session : ma courbe de gains est en chute libre, à tel point que mon ROI moyen s'en retrouve érodé pour la première fois depuis bien longtemps. Seule ma courbe d'EV se maintient à un bon niveau, ce qui est encourageant mais ne compense en aucune manière les pertes du moment. Alors dans de telles conditions, que faire ? Ma réponse appropriée est la suivante : rien (ou presque). A l'échelle de la variance, un échantillon de 200 tournois n'a aucune valeur probante : les anomalies statistiques peuvent foisonner sans qu'il y ait besoin de hurler au loup.
 
Un de mes rares confidents poker gravitant dans ce milieu me le rappelle assez fréquemment au moyen de ses mots crus à lui : le poker est un jeu de cons. Il faut vraiment savoir composer avec les revers de fortune. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas : il n'y a RIEN que l'on puisse faire, si ce n'est prendre son mal en patience.
 
Mon but du moment consiste essentiellement à éviter de dégrader mon niveau de jeu sous le coup de la colère (très mauvaise conseillère), du doute (toujours sournois) ou bien encore de la lassitude. Pas question de me plaindre. Même ici, cet article que je rédige avant d'aller me coucher ne constitue pas une plainte ou un apitoiement, puisqu'au final je prône l'indifférence comme remède. Pour le reste, on va gentiment attendre que ça passe.
 
Pas de colère. Je suis une salamandre qui résiste au feu. D'une manière générale, lorsque je suis dans le coeur de l'action et que je subis une crise aigüe de malchance, je m'autorise à geindre (en silence de préférence) un très court moment n'allant pas au delà de cinq secondes : c'est la soupape de sécurité que je m'accorde afin d'évacuer un début de frustration. Et même ça, j'ai tendance à considérer que c'est déjà trop. Mais bon, je suis humain. A froid, il en va de même : j'écris ces lignes en toute sérénité. Oui, je perds beaucoup en ce moment. Et alors ?
 
Pas de doute. Je suis un aigle au regard vif et aux griffes acérées. Plaisanterie mise à part, je dispose tout de même d'une arme secrète en PLO : je suis absolument certain de ma force et de ma supériorité technique dans cette variante, ainsi d'ailleurs que dans celle (nettement moins prisée) du Omaha Hi-Lo. Et ce n’est pas là de l’optimisme béat, mais bien une implacable réalité mathématique qui me vaccine contre le doute et une inutile remise en cause qui surviendrait pour de mauvaises raisons.
 
Pas de lassitude. Je suis un ouistiti espiègle et moqueur. J'aime toujours autant ce jeu, quel que soit le scénario du soir. Les bons joueurs de PLO ne sont à la vérité pas si nombreux, et graviter dans un tel milieu avec des gaffeurs, des inconscients et des oisillons à peine sortis du nid continue de me divertir indépendamment des résultats obtenus. La variance est importante, mais elle fait partie du jeu.
 
Tout ça pour dire que mauvaise passe actuelle va vite se terminer et la pause estivale n'est vraiment plus très loin de toutes les manières. Malgré les pertes du moment il est donc urgent de ne rien faire : ce n'est certainement pas une vilaine série noire en cours qui va stopper ma marche en avant. Qu'on se le dise.

mercredi 11 juin 2025

Ma soirée insolite en PLO : deux mains de départ complètement improbables au cours d'une même session !

Je termine à l'instant ma session de poker en ligne du soir. Mon bilan est négatif sur le plan financier, mais très positif sur le plan statistique : je joue remarquablement bien ces temps derniers, avec un EV qui atteint ou dépasse régulièrement les +15bb/100 (en sachant que 90% de mon volume de jeu se fait en Omaha). Les puristes apprécieront. Mais là n'est pas la raison de cet article...

Ce soir, j’ai défié les probabilités d'une toute autre façon, bien plus cocasse. J'ai tout simplement vécu une expérience extrêmement rare en Pot Limit Omaha : recevoir deux fois, au cours de la même soirée, la pire main de départ possible : quatre cartes identiques. J'ai reçu une première fois les quatre 2 du paquet (2 de trèfle, 2 de carreau, 2 de cœur et 2 de pique) sur Winamax ; puis une autre fois les quatre as, cette fois-ci sur PokerStars !

Pour rappel, lorsque l'on joue au Pot Limit Omaha (PLO), on reçoit quatre cartes fermées. Pour composer notre main finale, on doit obligatoirement utiliser deux de nos cartes privatives en les combinant avec trois cartes du tableau commun composé quant à lui de cinq cartes (flop, turn, river). Or, en recevant quatre cartes identiques (comme ce soir ces infâmes 2222 ou ces maudits AAAA), on ne peut pas utiliser plus de deux de ces cartes identiques pour la combinaison finale. Concrètement, ces quatre cartes ne forment donc jamais plus qu’une paire, et elles n’apportent aucun potentiel d'amélioration. Du cannibalisme à l'état pur. Poubelle directe !

En pratique, une telle main de départ est totalement injouable. Et pas question d'envisager le moindre bluff, sachant que le PLO est un jeu de tirages. Dans cette variante du poker, hériter d'une telle main, c'est posséder une main morte. Ces quadruplets n’ont absolument aucun espoir d’amélioration : ni suite, ni couleur, ni brelan, ni full, ni rien du tout !

AAAA en Omaha = poubelle !!!
La probabilité de recevoir quatre cartes privatives identiques en Omaha est infime, en sachant que le nombre total de mains de départ y est de 270 725 et que parmi ces combinaisons, il n'y a que 13 quadruplets possibles (un par rang de carte, de l’As au 2). Cela se produit donc toutes les 20 000 mains en moyenne... Tous les joueurs savent qu’une telle main se doit d'être aussitôt couchée : pas de potentiel d’amélioration, aucun tirage, aucun espoir de gain. La seule décision correcte consiste donc à jeter une main aussi poisseuse, et c'est bien sur ce que j'ai fait sans hésitation dans un cas comme dans l'autre.

Recevoir une telle main déjà une fois au cours d'une soirée est donc assez rare, et ne survient environ que dans 5% de mes sessions en considérant que je joue environ mille mains par soir lors de mes sessions de Omaha. L’avoir deux fois dans une même session relève presque du prodige statistique surtout si l'on considère de surcroit que c'était-là les deux quadruplets les plus symboliques, situées aux deux extrême, avec les 2, d'un côté, main la plus moisie de l'univers Omaha et les As de l'autre, gâchis le plus immense qui soit. Les probabilités qu'une telle situation survienne au cours d'une soirée passée à jouer étaient donc inférieures à 0.1%.

Quoi qu'il en soit, ma soirée insolite illustre parfaitement la beauté (et parfois le côté cocasse) des probabilités au poker. Deux quadruplets en PLO, c’est un clin d’œil des cartes… mais aussi un rappel brutal : au poker, dès lors que ce ne soit pas impossible, tout finit par arriver, y compris les combinaisons de cartes et les situations mathématiques les plus improbables. Cette situation tout à fait anodine illustre à merveille pourquoi il faut conserver en toutes circonstances une certaine forme de détachement et d'humilité vis-à-vis des cartes. Elles ne nous doivent rien. Jamais... Autant l'avoir en tête : ça aide à se prémunir contre de grosses déceptions futures.

 

mercredi 4 juin 2025

La mini-galère d'un soir

En ce mardi soir, j’ai passé la soirée à essayer de convaincre les cartes de me respecter. 1200 mains jouées, un volume assez conséquent en tournoi, de telle sorte que l'écart entre le bilan théorique et le bilan réel a tendance à être assez réduit. Mais ça demeure toutefois un échantillon faible à l'échelle d'une carrière de joueur en ligne. Et ce soir, j'ai connu le grand écart. Ou plutôt le grand écartèlement tellement ça fait mal.

A la fin de ma session, je regarde mon EV théorique et là j'aurais tendance à me réjouir car mon EV théorique du soir est de + 15bb/100 ce qui est un excellent ratio. Et pourtant, j'ai été victime de rencontres très malheureuses, et j'ai commis une grossière erreur de lecture qui m'a coûté une montagne de blindes sur un coup avec une énorme profondeur (je m'en veux encore, j'étais distrait l'espace d'un instant et c'est pile au moment où mon doigt quitte la souris pour valider ma sur-relance hasardeuse que je me rends compte de la bourde).

Mais lorsque je jette un oeil au second indicateur que me donne mon logiciel de suivi Xeester, l'EV réel, la claque dans la figure est réelle : - 8bb/100 c'est tout bonnement catastrophique, indicateur d'une malchance chronique tout au long de la soirée. Ca représente un écart statistique défavorable de l'ordre de 23 pts ! A ce stade, on ne peut plus parler de malchance mais de guigne ou de poisse, et cette poisse, je l'ai bien sentie passer sans avoir eu besoin de jeter un oeil à mes indicateurs habituels. Pire encore, la guigne m'aura accompagné jusqu'à ma toute dernière table, où j'atteins en bonne position la table finale qui a elle seule aurait pourtant pu me permettre d'équilibrer mes comptes.

Pour donner un ordre de comparaison, c'est exactement comme si une équipe de football perdait un match en ayant tenté 35 tirs tandis que l'équipe adverse n'en tentait que 2.

J’ai vu défiler tous les scénarios absurdes. Les mains à tapis qui dominaient largement se sont retrouvées presque à chaque fois battues à la river. Les pile ou face cruciaux ont été quasi systématiquement perdus. Mais à aucun moment je n'ai réellement râlé. A vrai dire, lorsqu'il ne me restait plus que deux ou trois tables, j’ai même fini par en rire, tellement le scénario devenait défavorablement cocasse avec toute cette malchance en boucle.

Pour couronner cette soirée de galère, j'ai également oublié de m'inscrire à un tournoi communautaire important, à quelques secondes près. Frustrante soirée ! Quoi qu'il en soit, je conserve malgré tout un excellent moral. Je garde à l'esprit que l’EV théorique, c’est un peu comme une boussole qui indique le nord pour qui sait la lire. Tout le reste n'est au final que littérature ou anecdote.

La mini-galère du joueur de poker perdu

Alors oui, ce soir j’ai terminé ma session avec un ROI désastreux de -60% et un déficit d'EV de l'ordre de 23 pts qui m'aura au final coûté beaucoup d'argent, plus d'une centaine d'euros, c'est certain ! Oui ça pique un peu lorsque l'on raisonne en terme d'argent perdu. Mais la beauté du poker, c’est qu’on sait que ces écarts finissent toujours par se lisser à condition d'être patient et de se projeter sur le long terme.

Le sel de ce jeu réside également dans sa variance qui génère un brouillard de guerre qui privilégie aléatoirement un tel ou un tel pendant un court laps de temps. De façon totalement arbitraire. Parfois jusqu'à l'absurde. Mais celui qui sait maintenir le cap en faisant un usage judicieux de sa boussole finit toujours par éviter les récifs et retrouver son chemin au final. De toutes les manières, je souhaitais m'adonner à un jeu où les maths gagnaient toujours, j’irais jouer à tout autre chose. Aux échecs, par exemple. Au poker, il faut savoir intégrer le fait que le facteur chance s'incruste toujours à l'équation – et parfois la distorsion ainsi induite est telle que cela en revient carrément à inventer d'improbables théorèmes.

Alors je vais aller me coucher un peu frustré, mais nullement abattu. Pas question de ressasser ces improbables coups perdus. Au contraire, même, le peu d'adrénaline du soir devrait me permettre de m'endormir rapidement, d'autant que je reste de bonne humeur, le sourire en coin, heureux d'avoir eu la force de narrer ma déveine du soir avant d'aller au lit. 

Demain, je reviendrai aux tables avec la même patience et la même envie de jouer le coup juste. Ma boussole continue de me guider vers ma destination finale. Je maintiens le cap, fixant l'horizon en ayant l'intime conviction que par delà la mer, derrière la brume, se trouve mon eldorado. Et vogue la galère...

vendredi 30 mai 2025

Une progression toute en lenteur...

Depuis le début de l’année, ma courbe de gains trace sa route, lentement. Elle monte, sans à-coups, sans éclats, sans panache. Mon taux de retour sur investissement (ROI) depuis janvier demeure étonnamment stable, autour des 25%. C’est bien, même si faute de jouer quotidiennement, les gains sont au final bien chiches. Ca demeure malgré tout très bien sur le papier. Mais étrangement, je ressens une forme de fatigue sourde, comme si cette progression n’était pas tout à fait vécue comme un plaisir. Car ce qui commence peut-être à me manquer un peu, en ce moment, ce n’est pas les gains mais l'intensité !

Ces dernières semaines, je joue. De façon appliquée, presque scolaire : mes décisions sont prises avec soin. Mes choix sont solides, les prises de risques minimes et calculées, ce qui fait que les erreurs sont au final très rares. Je termine ainsi mes sessions sans trembler. C’est propre, mais sans relief ni panache. Le genre de routine pas déplaisante en soi, mais que l'on aspire à quitter à un moment ou à un autre. Le quotidien à base de tournois de Omaha à faible et moyen coût paraît presque fade en dépit du fait que le Omaha génère davantage d'émotions que le Texas Hold'em.

Je ne fais pas de tournois marquants. Je ne vis pas de bulles particulièrement douloureuses. Pas de gros tournoi joué, cela se traduit par la raréfaction des possibilités d'obtenir des performances décisives. Juste une longue marche tranquille, ponctuée de quelques petits gains épars standards. Certes, tout fonctionne : preuve en est, mon logiciel de suivi Xeester m'affiche des courbes ascendantes, tant en termes de gains réels que de performances théoriques ! Tout fonctionne donc plutôt bien… mais sans le feu, sans la grinta, sans le panache du flambeur, sans qu'au final je sois amené à réellement vibrer, donc. Aucune sueur froide sous les aisselles.

J'en viens donc à me poser la question : le poker sans pics émotionnels réguliers a-t-il encore une saveur, une odeur qui stimule mes sens ?

Lorsque le quotidien devient maîtrisé, dépourvu de risque, qu'on évite les embardées mentales, qu’on accepte les coups du sort sans frémir car sans enjeu d'importance, que me reste t'il à me mettre sous la dent ? Il me reste le jeu en lui-même. Nu. Mathématique. Dénudé de tout le drame habituel dans lequel la communauté de joueurs adore se draper. Le poker devient actuellement pour moi un pur exercice d’exécution. C'est provisoire, mais cela m'amène à réfléchir sur mon rapport au jeu : il y a là un vrai travail mental à l'oeuvre.

Il faut apprendre à aimer la lente montée, celle qui ne se célèbre pas, mais qui construit la solidité du joueur sûr de sa force. Apprendre à jouer sans en attendre d’extase immédiate. Apprendre à progresser sans fanfare. Je suis convaincu que c’est dans une période telle que celle-là que je peux encore évoluer sur le plan mental : cela ne se traduit pas par des résultats immédiats, mais fait partie d'un processus de maturation mentale. Certes, le corps réclame des sensations et de l'adrénaline ; certes l’égo grogne dans son coin ; certes j'ai l'impression que chaque semaine ressemble à la précédente, sans éclat ni relief. Mais à la vérité je poursuis mon chemin. Des milliers de joueurs très talentueux et/ou professionnels ont déjà explosé en vol et quitté les tables de poker. Moi, Fredyl, je suis toujours là. Imperturbable. Conscient de mes forces. Toujours passionné, quand bien même la passion ait désormais été en grande partie apprivoisée.

Je crois que ce moment m’apprend quelque chose de fondamental : le poker enseigne aussi l’attente. L’attente lucide, active. Celle qui sait que les grosses performances reviendront sans que l'on soit obligé de forcer son destin. Celle qui continue de travailler, même sans se fixer de dates butoir. Celle qui accepte de jouer 200, 500 ou 1 000 tournois d’affilée sans adrénaline, si c’est le prix à payer pour être prêt le jour J. L'attente.

Je me complais dans le calme du moment. Je suis satisfait de déceler dans ma routine une forme de luxe plutôt qu'un début de lassitude. J’essaie de garder à l'esprit que si je ressens parfois ce qui pourrait s'apparenter à un début d'ennui, c’est parce que j’ai atteint une stabilité émotionnelle que beaucoup de joueurs pourraient m'envier. Derrière mon taux de retour sur investissement stable, il y a du sérieux, du contrôle, et une forme de constance mentale que très peu de joueurs possèdent.

Alors je poursuis ma route, en disputant des tournois sans grands enjeux. Sans héroïsme, sans drame, sans fureur. Du moins, pour le moment. Peut-être qu’un jour pas si lointain, je relirai ces lignes depuis le sommet d’une performance XXL, en me rappelant que c’est aussi ici, dans ce creux de 2025, que tout s’est construit.

vendredi 2 mai 2025

Les mains jumelles : chronique d'un naufrage en stéréo

Il y a quelques jours de cela, j'ai décidé de faire une session poker du soir ultra light, seulement quatre tournois à faible coût, afin de me permettre de pouvoir regarder du coin de l'oeil un match de football en parallèle. C'est en général une pratique à bannir que de se laisser distraire pendant une session, mais de temps en temps je m'autorise une petite dérogation telle que celle-ci à mon protocole de rigueur.

Très vite, je suis éliminé d'un premier tournoi, et il ne me reste plus que trois tables actives. Mes tables sont donc de taille plus grande que d'accoutumée. A un moment, il s'est passé quelque chose d'assez insolite, tant d'un point de vue statistique que visuel, à savoir que j'ai vécu deux mains jumelles à trois joueurs exactement au même instant, sur deux tables de deux plateformes différentes : Winamax et ParionsSport.

Je décide de faire tapis préflop avec As-Dame alors que je dispose dans un premier cas de 20 blindes et dans le second cas de 13 blindes... et je suis payé par exactement les mêmes mains chez mes deux adversaires à chacune des deux tables, puisque de leur côté ils possèdent respectivement Dame-Roi et une paire de 7. Je ne m'attends bien évidemment pas à gagner les deux coups, puisque je sais que je n'ai à chaque fois qu'un tiers de chances de remporter le pot. Mais le fait est que l'abattage se produit en simultané sur les deux tables et que je me retrouve éliminé à la river dans un cas comme dans l'autre : cocasse ! En moins de cinq secondes, l'ascenseur émotionnel aura été intense pour mes deux yeux.

Statistiquement parlant, se retrouver avec deux mains jumelles lors d'une session arrive de temps à autre lorsque cela nous oppose à un seul adversaire, mais là, avec deux adversaires distincts à chaque fois et à la seconde près, les probabilités étaient infinitésimales. Au poker, tout peut arriver. Et tout finit par arriver, d'ailleurs : il suffit pour cela de jouer non-stop pendant des milliards d'années. Sinon, à l'échelle d'une vie, il n'y a que des anomalies statistiques plus ou moins marquées.

Alors que reste-t-il, une fois les jetons partis et les écrans noirs de silence ? Une sensation étrange. D’avoir été le héros tragique d’une farce cosmique. D’avoir assisté à un bug dans la matrice, ou peut-être à une leçon d’humilité sur la nature profondément chaotique du jeu. Car au final, on ne retient pas que les bad beats. On retient surtout leur mise en scène. Et là, franchement, le metteur en scène s’est surpassé. Merci au Dieu du Poker de m'avoir fait vivre pareil moment ! Ca me fera un beau souvenir... et cette double élimination en stéréo m'aura permis regarder la fin de mon match dans de meilleures conditions, en Dolby Surround... et surtout sans risque accru de strabisme !

 

lundi 14 avril 2025

Triple bulle, mais pas triple buse !

De par la valse incessante de jetons lorsqu'on s'adonne à une session de poker en ligne, il y a des soirs où ce jeu semble vouloir inventer une chorégraphie étrange, totalement improbable. Je ne parle pas ici d'une session de rêve, pas non plus d'un enfer de coups perdus, mais bel et bien d'un moment suspendu entre tension, hasard et coïncidences. Ce soir, j’ai vécu l’un de ces petits moments cocasses qui confèrent au poker tout son sel.

Trois tournois de Pot Limit Omaha (variante que je pratique avec assiduité). Disputés sur trois plateformes différentes, à savoir Winamax, Bwin et PokerStars. Et pendant près d'une demi-heure, je me suis dit que je vivais là un moment de poésie (et de sueurs froides) puisque j'ai vécu les trois bulles de ces trois tournois exactement au même moment de la soirée, alors même qu'il s'agissait de mes trois dernières tables encore actives, entre 22h40 et 23h15.

Dans les trois, je me suis retrouvé dans le ventre mou du peloton. Loin des chip leaders, mais pas non plus en train de dépérir. J'ai vécu ces trois bulles dans une situation presque douillette, engoncé dans ce bon vieux ventre mou, ce territoire instable où chaque coup peut certes vous propulser vers le top mais également vous éjecter dans l’anonymat en cas de mauvaise rencontre face à un joueur plus grassouillet que soi.

J'ai déjà révélé ici que j'avais une tendance à être plus offensif que de raison au moment des bulles de mes tournois, mais ce soir, j'étais dans une stratégie très raisonnable. J'ai donc surtout fait figure de figurant plutôt que de protagoniste principal. Mes trois bulles du soir ont vraiment mis beaucoup de temps à éclater, c'en était presque irréel de voir tous ces joueurs agonisants à tapis avec Dame Chance qui semblait prendre plaisir à les sauver à chaque fois, en dépit de tout bon sens, en semblant faire un pied de nez aux probabilités.

Dans des conditions pareilles, un joueur avisé est bien inspiré de garder un oeil sur la situation de chacune des tables où ses adversaires s'affrontent, et le jeu bascule dans une autre dimension, puisqu'on en vient de facto à devenir supporter des adversaires richement dotés en jetons, au détriment des joueurs en queue de peloton, qui frôlent l'élimination à chaque coup tellement leurs blindes restantes sont faméliques. Il faut aussi de son côté savoir composer avec le chrono qui égrène les secondes : plus on joue soi-même tard à sa table et moins on risque l'accident. Tous les joueurs un tant soit peu aguerris le savent : a la bulle, les coups ont souvent tendance à se jouer avec une lenteur parfois exaspérante. Quoi qu'il en soit, c'est également dans cette phase-là que l'on peut hypothéquer ses chances de succès final si on se laisse rogner ses blindes en ayant peur de l'accident tragique qui nous fait sortir à l'orée des places payées. La peur de perdre est ici omniprésente, et dicte parfois aux joueur cet excès de prudence qui fait que d'autres sauront en profiter : certains joueurs en position confortable et bien inspirés savent profiter d'un tel moment pour se constituer un matelas supplémentaire qui leur permettra d'aborder la dernière ligne droite dans les meilleurs conditions qui soient.

En Omaha, franchir une bulle constitue un moment plus délicat, plus subtil qu'en Texas Hold'em : avec tant de tirages, la tentation d’y aller “parce que ça peut passer” est grande. Mais au moment de la bulle, il faut sélectionner ses batailles à livrer avec un extrême discernement. Ce soir, tout est passé tranquillement pour moi. De façon étonnamment synchronisée. Mais ce que je retiens surtout de cette session, c’est cette étrange harmonie temporelle que je viens de vivre : trois bulles simultanées, de même durée, qui se sont comme enchevêtrées devant mon écran d'ordinateur, se prolongeant pendant de très, très, longues minutes. Un timing absurde, que j'aurai pourtant vécu somme toute sereinement,en observateur amusé.

On pète les bulles en Pot Limit Omaha comme on peut !

Au final, peu après l'éclatement de ces trois bulles et mon entrée dans les places payées, je me suis fait éjecter dans les trois cas somme toute assez rapidement, avant même de pouvoir prétendre à ne serait-ce qu'une seule victoire finale. Mais j'aurai au moins au le privilège de vivre cette situation cocasse comme si j'avais joué un bout de ma session littéralement au ralenti. De quoi rendre ma session du soir moins fade : je saurai donc m'en contenter pour cette fois-ci.

lundi 31 mars 2025

Savoir résister à la tentation du bazardage.

A plusieurs reprises ces dernières temps je me suis retrouvé derrière mon écran d'ordinateur quelque peu dépité, englué dans des soirées poker particulièrement éprouvantes, de celles où l'on peut croire que l'on fonce tout droit vers le zéro pointé (que l'on appelle affectueusement dans le jargon poker "la cagoule"), avec une élimination précoce de la plupart des tournois dès 22h. Des moments désagréables où l'on se retrouve avec pour seule pitance un ou deux tournois de faible importance... et un espoir de rentabiliser la soirée déjà évanoui, ou presque.

Vivre une soirée galère au cours de laquelle rien ne semble aller, c'est somme toute quelque chose d'assez familier pour un joueur régulier. Même si fort heureusement ce n'est pas le cas de figure le plus courant, cela advient malgré tout de temps en temps pourvu que l'on joue souvent. L'épisode est particulièrement désagréable à vivre, à tel point que la tentation de bazarder son ou ses derniers tournois du soir peut alors poindre, à mesure que la frustration et le désespoir grandissent. L'excuse que l'on peut alors se trouver consiste à vouloir passer en mode ça passe ou ça casse, en jouant anormalement agressif dans l'espoir de se retrouver avec un gros tas de jetons dans le ou les tournoi(s) restants, pour que cela en vaille la peine de prolonger sa soirée plutôt que d'agoniser à petit feu en ayant au final la désagréable impression d'avoir prolongé inutilement son calvaire.

C'est pourtant un mauvais calcul que de vouloir jouer le tout pour le tout dans de pareils moments (et ça ressemble à une forme de tilt). J'essaye de résister le plus possible à pareille tentation, sachant que des retournements de situation fructueux à même de sauver une soirée sont plus probables en demeurant concentré et d'humeur égale plutôt qu'en voulant forcer le passage. La variance étant inhérente au poker, il faut savoir composer avec toutes les situations que le Dieu du Poker nous propose. Et prendre son mal en patience lorsque l'on boit la tasse dès le premier plongeon.

Le poker est un jeu d'opportunités. Et bazarder son dernier tournoi du soir constitue une perte d'opportunité inexcusable ! Même lorsque la session est particulièrement rude, il suffit parfois d'un podium ou d'une victoire pour inverser le cours des choses alors même que la soirée semblait promise à une authentique noyade.

Pourtant, ce n'est pas parce qu'on l'on a perdu plusieurs coups clefs à la suite et que les élimination s'enchainent précocement que toute la soirée va être placée sous le signe de la malchance pour autant. Il faut ainsi continuer à y croire tant qu'on l'on est engagé dans au moins un tournoi, fusse-t'il à faible enjeu. A défaut de finir la soirée gagnant, pouvoir sauver les meubles ne serait-ce que partiellement à l'aide d'un dernier tournoi où l'on se sera défendu becs et ongles peut constituer une performance en soi, sachant que nombreux sont les joueurs qui n'y parviendront pas dans une telle situation. C'est en effet en continuant à jouer son A-game en toutes circonstances, y compris dans les moments d'adversité et de malchance chronique, que l'on parvient à être un joueur gagnant sur le long terme. La discipline est une qualité qu'un vrai bon joueur doit pouvoir posséder. Pas question de saccager sa dernière cartouche du soir, sachant qu'elle peut encore faire mouche.

Ne pas oublier non plus que bon nombre de joueurs moyens ou médiocres vont augmenter leurs erreurs au fur et à mesure que la soirée va avancer, à la faveur d'un coup de fatigue, d'un coup de pression les mettant en tilt ou bien d'une envie d'en finir prématurément par manque de patience, de discipline ou d'endurance. Rester soi-même concentré en toutes circonstances permet de demeurer à l'affut d'un coup de mou adverse.

Lors de mes soirées poker particulièrement arides, mon instinct de compétition - celui que je cultive en moi depuis ma tendre enfance et qui ne m'a jamais abandonné depuis - me dicte de toujours continuer à m'accrocher, quel que soit le type de situation que je rencontre. Même si cela ne conduit à rien de concret le plus souvent, on parvient malgré tout de temps à autre à sauver les meubles en restant concentré et appliqué avec une seule table encore ouverte. Et parfois même l'improbable retournement de situation survient avec une session s'achevant par des gains nets alors que l'on aura été dans le rouge toute la soirée durant !

En conclusion, sachant que c'est en continuant à maximiser son espérance de gain en toutes circonstances que l'on parvient à remplir ses objectifs de rentabilité effective sur le long terme, il convient donc de s'accrocher en toutes circonstances. Le poker est aussi un jeu de gestion de sa propre frustration. Il ne faut donc jamais bazarder une session, même lorsqu'elle est particulièrement mal engagée. Car tant qu’il y a un jeton, il y a un espoir.

mardi 25 mars 2025

A pas menus

Cela fait maintenant deux mois que je joue au poker à pas menus, à raison d'un ou deux soirs par semaine environ. Indifférent à la variance. Indifférent à toute forme de pression. Indifférent aux différentes promotions et autres championnats qui ont jadis fait le sel de mes sessions. Mais attention, cette indifférence du moment ne constitue pas une mauvaise chose, pour peu que l'on veille bien y regarder à deux fois !

Une chose est certaine : on est actuellement loin de l'apathie, bien au contraire. Mon indifférence du moment me permet de me ressourcer mentalement. J'ai actuellement moins d'adrénaline dans mes veines, et c'est pour ainsi dire tant mieux. Afin d'éviter toute usure ou fatigue mentale, il faut parfois savoir ralentir la cadence, a fortiori lorsqu'on a identifié que l'on ne se sent temporairement pas capable de maintenir le rythme soutenu auquel on s'astreint en temps normal. J'en profite pour dormir un peu plus et ça me fait du bien, c'est certain !

Rouler pied au plancher en permanence esquinte pneus et moteur, et les risques de sortie de piste sont démultipliés pour qui ne sait pas ralentir. Savoir doser son tempo et son volume de jeu judicieusement constitue une qualité dont on parle assez peu dans le milieu du sport et de la compétition en général, mais qui peut s'avérer en définitive déterminante lorsqu'il s'agit d'optimiser ses performances en surfant sur la vague lors des périodes fastes mais également en sachant prendre en considération les petits coups de mou passagers qui ne manquent pas de survenir à un moment ou à un autre.

En ce moment, que mes sessions soient gagnantes, perdantes, neutres, chanceuses ou malchanceuses, rien ne vient troubler ma quiétude. Mes résultats sont ce qu'il sont, je ne ressens nul besoin de consacrer le moindre influx nerveux supplémentaires à une lecture subjective de la situation. Le poker est aussi affaire de hasard, de flux et de reflux, alors je laisse couler. Rien ne m'atteint. Je suis sur ma trajectoire et je continue donc à avancer à pas menus, tranquille et serein, en attendant de pouvoir reprendre prochainement une cadence plus soutenue une fois ragaillardi.

mardi 25 février 2025

Quand Juliette Armanet se décide à "Sauver Ma Vie"

J'aime jouer le soir au poker avec un peu de musique en guise de fond sonore. J'ai d'ailleurs déjà rédigé par le passé un ou deux articles à ce propos, il y a quelques années, du temps où je m'épanchais davantage sur ce blog.

La musique, donc. Pour maintenir de la régularité dans ma concentration. Au fur et à mesure que la soirée avance, la musique n'est pas la même. Il est très fréquent que je démarre une soirée poker en compagnie d'un peu de Jazz. Ocassionnellement, il m'arrive de démarrer avec de la musique classique, de la country américaine ou bien encore un peu de variété française. Mais vers la fin de la soirée, un rituel musical d'un autre type se met parfois en place. Depuis maintenant près de deux ans, lorsque les choses se corsent pour moi alors que le money time arrive et que je me retrouve en table finale d'un tournoi très chichement pourvu en jetons au bord de l'élimination, je me résous à abattre mon joker final, celui que je garde au chaud jusqu'au moment le plus critique : Juliette Armanet ! Je mets alors en boucle sa chanson "Sauver ma vie".

Cette chanson devient alors pour moi un authentique mantra de minuit, me rapprochant d'un état de transe pokeristique durable. Non seulement mon degré de concentration se retrouve aussitôt à son zénith, mais bien que n'étant pas à proprement parler superstitieux, j'y vois-là malgré tout une ode à Dame Chance ; je la supplie de m'accorder des tirages favorables me permettant de rester vivant dans le tournoi encore un peu. Suffisamment pour que je puisse gratter un premier palier. Voire deux ou trois, tant qu'à faire. Et pourquoi pas jusqu'à la victoire finale, qui sait ? L'essentiel pour moi dans ces moments-là est de parvenir à survivre. Sauver ma vie. Encore et encore.

Toutes les fois où Juliette répète "sauver ma vie" dans la chanson, je sens que je suis sur la corde raide mais je n'ai pas peur. J'ai la sensation de danser tel un derviche tourneur au bord d'un précipice. Je vibre à l'unisson avec elle. Avec le rythme de sa chanson. Avec ses paroles. Avec son visage. Avec sa voix. Avec mes cartes. Alors je m'accroche. Jusqu'au coup suivant. Et encore jusqu'au suivant. Encore. Encore et encore. Je sais que je vais prendre les bonnes décisions. Mon tournoi ne fait plus qu'un avec la chanson, qui continue de vibrer inlassablement en moi tant que je résiste à l'élimination qui me guette et qui peut survenir à tout moment. Parfois, c'est vrai, je suis presque aussitôt éliminé et mon rituel n'aura alors duré qu'une petite minute. Mais si je suis en veine et que je survis longtemps, ledit rituel armanétien peut s'étaler sur une bonne heure, voire au-delà. La symbiose peut alors pleinement opérer.

Outre son rythme entrainant, certains passages de la chanson m'apparaissent sinon prophétiques du moins troublants de similitude avec les divers sentiments que je m'apprête à vivre puisque toutes les situations de jeu que je peux être amené à rencontrer au cours des prochaines minutes y sont répertoriées, quand bien même la chanson n'ait dans l'absolu rien à voir avec le poker.

"Tonnerre sur ma terre, j'ai le coup de minuit" : Le commencement. C'est fréquemment vers minuit que le money time survient à mes tables de poker et que je lance la chanson.

"Lâcher ton cœur, j'ai peur, mais je dois sauver ma vie" : ne t'enflamme pas Fredyl, tu peux coucher ta main ici, tu auras d'autres occasions de faire tapis. Laisse un autre faire le kamikaze à ta place. Commence par gratter un palier. Patience.
 
"Tonnerre, tout s'éclaire comme un coup de génie" : Boom. Je remporte un coup crucial et double mon tapis pour sortir de la zone rouge ! Je peux enfin commencer à envisager la victoire finale.
 "Je ne sais pas comment faire, mais je dois sauver ma vie" : Je traverse un désert de cartes et suis en train de périr à petits feux. Mais ce n'est pas fini, je vais bien finir par trouver une ouverture à un moment ou à un autre.
 "L'un de nous deux était de trop" : C'est le moment de dire bye bye ; soit à un adversaire qu'on vient d'éliminer... soit à soi-même !
 "Le soleil n'ira pas plus haut, c'est ainsi" : Fin du tournoi pour moi, je suis éliminé !
 
"Tonnerre, ma prière tout d'un coup m'éblouit" : Soit Dame Chance me file un coup de main et je remporte un coup alors que les probabilités n'étaient pas en ma faveur, soit ma traversée du désert s'achève et je débute une phase de rush qui me propulse vers le haut du classement.
 "Tu as joué, je perds, je ne veux plus d'ennemis" : C'était mon dernier tournoi du soir, je déconnecte.
 
"Tonnerre, pour te plaire j'avais tout réuni" : J'ai bien joué mon coup mais j'ai perdu et je suis éjecté du tournoi par pure malchance.
 "Mais mon soleil ira plus haut, c'est écrit" : Je gagnerai la prochaine fois, je le sais !
 
Quoi qu'il en soit, une chose est certaine : lorsque Juliette Armanet se décide à "Sauver ma vie", elle me pénètre l'esprit jusqu'aux tréfonds de mon âme. Juliette, si un jour tu lis ces lignes, sache que tu m'habites pour la vie. Tu es ma muse poker. Et je t'en suis à jamais reconnaissant.
 
 

 
 

lundi 6 janvier 2025

Mépriser, oui, un peu. Détester, non, jamais.

A mes tables de poker en ligne habituelles, je croise souvent les mêmes têtes, c'est un fait. Bien davantage que le joueur de poker standard. S'agissant du Texas Hold'em, je continue à baigner dans les tournois communautaires, un petit milieu constitué de moins de cinq cent joueurs que l'on croise et recroise à longueur d'année. Et en ce qui concerne le Omaha ou le Omaha Hi-Lo c'est là aussi un petit microcosme fait majoritairement de joueurs réguliers. Dans ces conditions, on a vite fait de se trouver une tête de turc au moindre accroc, ce qui aura comme conséquence d'influer négativement sur notre niveau de jeu.

Idéalement, les sentiments n'ont pas leur place au poker : il ne faut avoir ni trop de considération, ni crainte excessive, ni aucune haine envers ses adversaires. Les seules fantaisies que l'on peut se permettre sans dégrader son jeu se résumeront à un peu de respect et un zeste de mépris. Mais pas plus, car au-delà de ses cartes et de ses jetons le poker est un jeu de stratégie, mais aussi de patience et d'équilibre émotionnel. L’intensité des parties, l'égo et les enjeux financiers ont tôt fait de donner naissance à une des émotions parmi les plus dangereuses : la haine envers un adversaire. Cette attitude, bien qu'en partie compréhensible dans un contexte compétitif, s'avère contre-productive à plusieurs égards. On peut haïr la défaite. Mais surtout pas l'adversaire !

Je te déteste !!!

La détestation d'autrui est une émotion intense et envahissante. À une table de poker, elle peut naître d’une provocation, d’une défaite humiliante ou d’une série de coups de malchance face à un même adversaire. Pourtant, céder à cette émotion équivaut invariablement à perdre son équilibre mental. Le poker requiert une lucidité à toute épreuve : lire les intentions de l'autre, déduire les probabilités et masquer ses propres émotions autant que faire se peut. Se mettre à détester son adversaire brouille immédiatement ce processus. Le jugement est alors altéré, ce qui incite à des prises de décision impulsives, voire irrationnelles, nous éloignant de notre objectif premier : la victoire finale.

Sombrer dans la détestation d'un adversaire transformera un jeu stratégique en une vendetta personnelle qui risque de nous laisser sur le carreau de façon prématurée. En voulant coûte que coûte rabattre le caquet de celui que l'on s'est mis à détester, on finira par commettre des erreurs cruciales : miser trop, jouer des mains faibles ou ignorer d'autres joueurs à la table qui représentent pourtant des cibles nettement plus exploitables. La détestation peut même nous rendre prévisible, puisque nos actions seront alors presque uniquement tournées contre l'adversaire ciblé. Dans les cas d'accumulation excessive de cette même détestation, le tilt intégral contre toute la tablée n'est pas à exclure. Si les autres s'en rendent compte, ils pourront exploiter notre vulnérabilité nouvelle. Dans un jeu où la maîtrise de soi est clé, laisser nos émotions prendre le dessus constitue un échec indépendamment du résultat de la vendetta que l'on aura menée. Même l'élimination du joueur ciblé ne garantit pas un retour immédiat à l'équilibre émotionnel, puisqu'une espèce d'euphorie toute aussi préjudiciable est susceptible de prendre le relai une fois la phase de détestation rendue caduque par le trépas de l'adversaire initialement ciblé.

Au-delà de l'aspect émotionnel, il y a aussi une dimension éthique et spirituelle à ne pas se laisser déborder par le ressentiment envers autrui. Le poker constitue un espace où respect et rivalité coexistent dans un périmètre délimité, à savoir la table de jeu. Laisser la détestation d'autrui, voir la haine s'installer ternira notre karma d'une manière ou d'une autre. Et je ne parle même pas ici de la perte de réputation que cela peut induire en live.

Lorsque je sens un début de détestation envers un adversaire, j'ai pris pour coutume de prendre une profonde respiration, fermer deux secondes les yeux, et évacuer une telle émotion négative. De toutes les manières le bluff, les coups de chance et même les provocations  à base de trash talk de la part de l'adversaire font partie du jeu. Il est là pour gagner, lui aussi et il se sert des armes dont il dispose. J'ai d'ailleurs une gommette de couleur réservée aux joueurs que j'ai estampillés fragiles des nerfs et lorsque le moment est propice, je me permets parfois de leur glisser une petite pique sur le chat ou leur montrer un bluff en sachant que cela risque de les faire sortir de leurs gonds. Je ne haïs pas, je charrie juste un peu parfois. En revanche, me faire détester - voire insulter - par l'adversaire ne me dérange pas puisque cela lui fera commettre davantage d'erreurs.

Le poker est un miroir : en y jouant, on peut bien souvent y voir le reflet de nos forces et nos faiblesses émotionnelles. Apprendre à dompter la haine, c'est aussi apprendre à maîtriser ses émotions dans d'autres sphères de la vie. Rester lucide, serein et autant que faire se peut respectueux à une table de poker permet non seulement d'améliorer nos performances, mais également de grandir en tant qu’individu, en gagnant en maturité. Mes récents problèmes personnels m'auront probablement permis de mieux intégrer cet aspect dans ma pratique du poker au quotidien. Je ne déteste jamais vraiment mes adversaires. Je m'autorise juste à les mépriser un peu parfois. Et c'est peut-être déjà trop.

En conclusion, l'excès de sentiments à une table de poker assombrit inutilement notre parcours de joueur et ralentit notre développement personnel. En cultivant la sérénité et le respect, on devient non seulement un meilleur joueur, mais aussi une meilleure version de soi-même. Le plaisir d'une victoire construite sera toujours supérieur à celui de la destruction d'un adversaire, qu'on se le dise.