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mercredi 18 juin 2025

Série noire en cours

Alors que je racontais il y a une semaine à peine que j'avais le sentiment de jouer actuellement très bien, voilà que mes résultats financiers s'acharnent à rester dans le rouge, séance après séance, dans la continuité de mon article du 4 juin. A moins d'un retournement de situation, le mois de juin 2025 risque fort d'être pour moi un authentique désastre comptable, le pire depuis de nombreuses années. Les sessions négatives s'enchainent à tel point que ça fait désormais un peu tâche sur ma courbe. Pourtant, je continue à jouer mes tournois et à disputer mes coups de façon à peu près identique, logique, patiente et rationnelle, avec un rituel stable et une sélection de tables relativement similaire d'une session à l'autre. D'ailleurs, je prends soin de lisser la variance en jouant une douzaine de tables en simultané, de telle sorte que je joue 15 à 20 tournois de Pot Limit Omaha (PLO) par session. Ca aide aussi à combattre l'ennui d'avoir autant d'action en permanence devant son écran d'ordinateur. Mais rien ne saurait expliquer rationnellement ma série noire en cours.
 
Quoi qu'il en soit, je ne suis vraiment pas habitué à vivre une telle période négative session après session : ma courbe de gains est en chute libre, à tel point que mon ROI moyen s'en retrouve érodé pour la première fois depuis bien longtemps. Seule ma courbe d'EV se maintient à un bon niveau, ce qui est encourageant mais ne compense en aucune manière les pertes du moment. Alors dans de telles conditions, que faire ? Ma réponse appropriée est la suivante : rien (ou presque). A l'échelle de la variance, un échantillon de 200 tournois n'a aucune valeur probante : les anomalies statistiques peuvent foisonner sans qu'il y ait besoin de hurler au loup.
 
Un de mes rares confidents poker gravitant dans ce milieu me le rappelle assez fréquemment au moyen de ses mots crus à lui : le poker est un jeu de cons. Il faut vraiment savoir composer avec les revers de fortune. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas : il n'y a RIEN que l'on puisse faire, si ce n'est prendre son mal en patience.
 
Mon but du moment consiste essentiellement à éviter de dégrader mon niveau de jeu sous le coup de la colère (très mauvaise conseillère), du doute (toujours sournois) ou bien encore de la lassitude. Pas question de me plaindre. Même ici, cet article que je rédige avant d'aller me coucher ne constitue pas une plainte ou un apitoiement, puisqu'au final je prône l'indifférence comme remède. Pour le reste, on va gentiment attendre que ça passe.
 
Pas de colère. Je suis une salamandre qui résiste au feu. D'une manière générale, lorsque je suis dans le coeur de l'action et que je subis une crise aigüe de malchance, je m'autorise à geindre (en silence de préférence) un très court moment n'allant pas au delà de cinq secondes : c'est la soupape de sécurité que je m'accorde afin d'évacuer un début de frustration. Et même ça, j'ai tendance à considérer que c'est déjà trop. Mais bon, je suis humain. A froid, il en va de même : j'écris ces lignes en toute sérénité. Oui, je perds beaucoup en ce moment. Et alors ?
 
Pas de doute. Je suis un aigle au regard vif et aux griffes acérées. Plaisanterie mise à part, je dispose tout de même d'une arme secrète en PLO : je suis absolument certain de ma force et de ma supériorité technique dans cette variante, ainsi d'ailleurs que dans celle (nettement moins prisée) du Omaha Hi-Lo. Et ce n’est pas là de l’optimisme béat, mais bien une implacable réalité mathématique qui me vaccine contre le doute et une inutile remise en cause qui surviendrait pour de mauvaises raisons.
 
Pas de lassitude. Je suis un ouistiti espiègle et moqueur. J'aime toujours autant ce jeu, quel que soit le scénario du soir. Les bons joueurs de PLO ne sont à la vérité pas si nombreux, et graviter dans un tel milieu avec des gaffeurs, des inconscients et des oisillons à peine sortis du nid continue de me divertir indépendamment des résultats obtenus. La variance est importante, mais elle fait partie du jeu.
 
Tout ça pour dire que mauvaise passe actuelle va vite se terminer et la pause estivale n'est vraiment plus très loin de toutes les manières. Malgré les pertes du moment il est donc urgent de ne rien faire : ce n'est certainement pas une vilaine série noire en cours qui va stopper ma marche en avant. Qu'on se le dise.

mercredi 11 juin 2025

Ma soirée insolite en PLO : deux mains de départ complètement improbables au cours d'une même session !

Je termine à l'instant ma session de poker en ligne du soir. Mon bilan est négatif sur le plan financier, mais très positif sur le plan statistique : je joue remarquablement bien ces temps derniers, avec un EV qui atteint ou dépasse régulièrement les +15bb/100 (en sachant que 90% de mon volume de jeu se fait en Omaha). Les puristes apprécieront. Mais là n'est pas la raison de cet article...

Ce soir, j’ai défié les probabilités d'une toute autre façon, bien plus cocasse. J'ai tout simplement vécu une expérience extrêmement rare en Pot Limit Omaha : recevoir deux fois, au cours de la même soirée, la pire main de départ possible : quatre cartes identiques. J'ai reçu une première fois les quatre 2 du paquet (2 de trèfle, 2 de carreau, 2 de cœur et 2 de pique) sur Winamax ; puis une autre fois les quatre as, cette fois-ci sur PokerStars !

Pour rappel, lorsque l'on joue au Pot Limit Omaha (PLO), on reçoit quatre cartes fermées. Pour composer notre main finale, on doit obligatoirement utiliser deux de nos cartes privatives en les combinant avec trois cartes du tableau commun composé quant à lui de cinq cartes (flop, turn, river). Or, en recevant quatre cartes identiques (comme ce soir ces infâmes 2222 ou ces maudits AAAA), on ne peut pas utiliser plus de deux de ces cartes identiques pour la combinaison finale. Concrètement, ces quatre cartes ne forment donc jamais plus qu’une paire, et elles n’apportent aucun potentiel d'amélioration. Du cannibalisme à l'état pur. Poubelle directe !

En pratique, une telle main de départ est totalement injouable. Et pas question d'envisager le moindre bluff, sachant que le PLO est un jeu de tirages. Dans cette variante du poker, hériter d'une telle main, c'est posséder une main morte. Ces quadruplets n’ont absolument aucun espoir d’amélioration : ni suite, ni couleur, ni brelan, ni full, ni rien du tout !

AAAA en Omaha = poubelle !!!
La probabilité de recevoir quatre cartes privatives identiques en Omaha est infime, en sachant que le nombre total de mains de départ y est de 270 725 et que parmi ces combinaisons, il n'y a que 13 quadruplets possibles (un par rang de carte, de l’As au 2). Cela se produit donc toutes les 20 000 mains en moyenne... Tous les joueurs savent qu’une telle main se doit d'être aussitôt couchée : pas de potentiel d’amélioration, aucun tirage, aucun espoir de gain. La seule décision correcte consiste donc à jeter une main aussi poisseuse, et c'est bien sur ce que j'ai fait sans hésitation dans un cas comme dans l'autre.

Recevoir une telle main déjà une fois au cours d'une soirée est donc assez rare, et ne survient environ que dans 5% de mes sessions en considérant que je joue environ mille mains par soir lors de mes sessions de Omaha. L’avoir deux fois dans une même session relève presque du prodige statistique surtout si l'on considère de surcroit que c'était-là les deux quadruplets les plus symboliques, situées aux deux extrême, avec les 2, d'un côté, main la plus moisie de l'univers Omaha et les As de l'autre, gâchis le plus immense qui soit. Les probabilités qu'une telle situation survienne au cours d'une soirée passée à jouer étaient donc inférieures à 0.1%.

Quoi qu'il en soit, ma soirée insolite illustre parfaitement la beauté (et parfois le côté cocasse) des probabilités au poker. Deux quadruplets en PLO, c’est un clin d’œil des cartes… mais aussi un rappel brutal : au poker, dès lors que ce ne soit pas impossible, tout finit par arriver, y compris les combinaisons de cartes et les situations mathématiques les plus improbables. Cette situation tout à fait anodine illustre à merveille pourquoi il faut conserver en toutes circonstances une certaine forme de détachement et d'humilité vis-à-vis des cartes. Elles ne nous doivent rien. Jamais... Autant l'avoir en tête : ça aide à se prémunir contre de grosses déceptions futures.

 

mercredi 4 juin 2025

La mini-galère d'un soir

En ce mardi soir, j’ai passé la soirée à essayer de convaincre les cartes de me respecter. 1200 mains jouées, un volume assez conséquent en tournoi, de telle sorte que l'écart entre le bilan théorique et le bilan réel a tendance à être assez réduit. Mais ça demeure toutefois un échantillon faible à l'échelle d'une carrière de joueur en ligne. Et ce soir, j'ai connu le grand écart. Ou plutôt le grand écartèlement tellement ça fait mal.

A la fin de ma session, je regarde mon EV théorique et là j'aurais tendance à me réjouir car mon EV théorique du soir est de + 15bb/100 ce qui est un excellent ratio. Et pourtant, j'ai été victime de rencontres très malheureuses, et j'ai commis une grossière erreur de lecture qui m'a coûté une montagne de blindes sur un coup avec une énorme profondeur (je m'en veux encore, j'étais distrait l'espace d'un instant et c'est pile au moment où mon doigt quitte la souris pour valider ma sur-relance hasardeuse que je me rends compte de la bourde).

Mais lorsque je jette un oeil au second indicateur que me donne mon logiciel de suivi Xeester, l'EV réel, la claque dans la figure est réelle : - 8bb/100 c'est tout bonnement catastrophique, indicateur d'une malchance chronique tout au long de la soirée. Ca représente un écart statistique défavorable de l'ordre de 23 pts ! A ce stade, on ne peut plus parler de malchance mais de guigne ou de poisse, et cette poisse, je l'ai bien sentie passer sans avoir eu besoin de jeter un oeil à mes indicateurs habituels. Pire encore, la guigne m'aura accompagné jusqu'à ma toute dernière table, où j'atteins en bonne position la table finale qui a elle seule aurait pourtant pu me permettre d'équilibrer mes comptes.

Pour donner un ordre de comparaison, c'est exactement comme si une équipe de football perdait un match en ayant tenté 35 tirs tandis que l'équipe adverse n'en tentait que 2.

J’ai vu défiler tous les scénarios absurdes. Les mains à tapis qui dominaient largement se sont retrouvées presque à chaque fois battues à la river. Les pile ou face cruciaux ont été quasi systématiquement perdus. Mais à aucun moment je n'ai réellement râlé. A vrai dire, lorsqu'il ne me restait plus que deux ou trois tables, j’ai même fini par en rire, tellement le scénario devenait défavorablement cocasse avec toute cette malchance en boucle.

Pour couronner cette soirée de galère, j'ai également oublié de m'inscrire à un tournoi communautaire important, à quelques secondes près. Frustrante soirée ! Quoi qu'il en soit, je conserve malgré tout un excellent moral. Je garde à l'esprit que l’EV théorique, c’est un peu comme une boussole qui indique le nord pour qui sait la lire. Tout le reste n'est au final que littérature ou anecdote.

La mini-galère du joueur de poker perdu

Alors oui, ce soir j’ai terminé ma session avec un ROI désastreux de -60% et un déficit d'EV de l'ordre de 23 pts qui m'aura au final coûté beaucoup d'argent, plus d'une centaine d'euros, c'est certain ! Oui ça pique un peu lorsque l'on raisonne en terme d'argent perdu. Mais la beauté du poker, c’est qu’on sait que ces écarts finissent toujours par se lisser à condition d'être patient et de se projeter sur le long terme.

Le sel de ce jeu réside également dans sa variance qui génère un brouillard de guerre qui privilégie aléatoirement un tel ou un tel pendant un court laps de temps. De façon totalement arbitraire. Parfois jusqu'à l'absurde. Mais celui qui sait maintenir le cap en faisant un usage judicieux de sa boussole finit toujours par éviter les récifs et retrouver son chemin au final. De toutes les manières, je souhaitais m'adonner à un jeu où les maths gagnaient toujours, j’irais jouer à tout autre chose. Aux échecs, par exemple. Au poker, il faut savoir intégrer le fait que le facteur chance s'incruste toujours à l'équation – et parfois la distorsion ainsi induite est telle que cela en revient carrément à inventer d'improbables théorèmes.

Alors je vais aller me coucher un peu frustré, mais nullement abattu. Pas question de ressasser ces improbables coups perdus. Au contraire, même, le peu d'adrénaline du soir devrait me permettre de m'endormir rapidement, d'autant que je reste de bonne humeur, le sourire en coin, heureux d'avoir eu la force de narrer ma déveine du soir avant d'aller au lit. 

Demain, je reviendrai aux tables avec la même patience et la même envie de jouer le coup juste. Ma boussole continue de me guider vers ma destination finale. Je maintiens le cap, fixant l'horizon en ayant l'intime conviction que par delà la mer, derrière la brume, se trouve mon eldorado. Et vogue la galère...